Profonde inspiration, rétention à poumons pleins pour exalter la puissance de l’instant méditatif, longue expiration…
Voilà le blog, c’est la rentrée. Coucou.
Et quelles vacances !
J’ai fait la tournée internationale et ultramarine familiale. Et même, pour compléter, j’ai vu quelques amis.
Une quantité non négligeable d’êtres humains a croisé mon chemin cet été. J’aime bien.
Du coup, plein, plein, plein (foule) de gens m’ont posé la même question dans un laps de temps très concentré.
La fameuse question du « Petit Troisième ».
N’allez pas croire : j’ai l’habitude. La « Petite deuxième » était encore gluante de liquide amniotique que la question de « celui qui suivrait » fut portée à ma connaissance pour la première fois. A croire que j’ai la tronche d’une usine à fœtus (et puis peut-être, finalement).
Plus ça va, plus le sujet apparaît vite dans la conversation, se résumant à ce « Troisième » dont nous ignorons encore tout (notamment la date de conception) hormis le fait qu’il sera très probablement « Petit ».
Le fameux « Petit troisième », quoi.
Mais… enfin… oserai-je ?…
Allez, je me lance : et si je l’avais déjà le « Petit Troisième » ?
Scoop ?
Non, du calme.
J’ai pensé : « un petit troisième ? Fichtre ! Je viens de créer ma boîte, je galère autant que si j’avais un nourrisson sur les bras ! ».
Et c’est lors d’une discussion avec une copine qui venait d’avoir un bébé que j’ai eu confirmation des similitudes flagrantes entre la prise en main d’un nourrisson et celle d’une nouvelle entreprise.
Plus j’y ai songé, et plus j’ai observé un parallélisme troublant tout autant que révélateur entre les journées d’une jeune créatrice d’enfant et celles d’une jeune créatrice d’entreprise.
Pour autant, il est rarement demandé à une femme ayant accouché dans les 3 mois si elle va bientôt se lancer dans l’entreprenariat ; alors que moi, qui suis encore au stade du torchage de fesses de ma boîte (elle n’est pas encore « propre »), j’ai droit, semaines après semaines, à la question d’une éventuelle grossesse… Étrange…
Et voici ce que j’ai découvert, suite à une étude comparative réalisée sur le terrain auprès d’un cobaye unique (= moi) mais ayant l’avantage de cumuler la double expérience observée ici : avoir un nouveau bébé VS créer et lancer sa propre entreprise.
L’insouciance, ce bon vieux souvenir
Que je crée du vivant ou du service tertiaire, le prix à payer est le même. Ce ne sont pas seulement les graines de la vie ou de l’emploi que je plante : c’est avant tout celles de la responsabilité. Parce qu’en effet : dès lors que nous créons, nous devenons responsable de ce que nous avons créé.
Ben merde.
Quand je suis devenue maman, dès la grossesse, j’ai compris que c’en était fini de ma légèreté de post-ado mal dégrossie. Fini, de vivre ma vie le nez en l’air en ne pensant à rien d’autre qu’à mon nombril : à ma prochaine séance de ciné, de restau, à ma prochaine soirée, à ma manucure, ma pédicure (et à toute sorte de cure d’ailleurs).
Idem pour la création d’entreprise. L’une des plus intenses révélations dans toute l’histoire est que « je n’en n’ai rien à faire » est désormais exclu pour toujours de ma réalité professionnelle. Tout sera toujours important, tout me tiendra toujours à cœur jusque dans les détails.
Il m’arrive parfois de regretter jusqu’à l’époque où je croupissais dans une agence de communication moribonde désertée par son patron et la moitié de ses effectifs… ainsi que par la totalité de ses clients. Au moins, à cette époque-là, je n’étais pas LA responsable. Je pouvais me permettre de m’en foutre, ou pas. À ma guise. Tranquille.
Dans le même genre, dans les premiers mois de mes bébés, je pensais parfois avec émotion aux choses « d’avant » : moins de gens à aimer et donc moins de gens que j’avais la trouille de perdre, moins de levers la nuit juste pour coller mon oreille à leurs toutes petites narines pour vérifier qu’ils respiraient encore… Et des repas que je pouvais savourer avec les deux bras libres.
Et puis très vite je me disais, sans même avoir à y réfléchir : « oui mais avant, il n’y avait pas tout ce bonheur partout jusqu’au fond de mes tripes. Ma vie n’était pas aussi pleine, je ne pourrais jamais revenir à avant. »
Ressemblante frappante : il s’avère que cette phrase marche également pour une jeune créatrice d’entreprise ayant rompu, peut-être définitivement, avec le salariat.
Mieux vaut ne pas être trop attaché à son propre soin
Un parent en possession d’un nourrisson doit revoir ses priorités. L’ampleur de la tâche est grande et les journées ne font que 24 heures (oui, toujours : une pétition a été lancée pour passer aux 35 heures mais rien n’y fait, que voulez-vous…). Ceci ne laisse qu’une place très aléatoire au temps que l’adulte responsable peut consacrer à son propre soin. Exemples ? Manger, se laver, et surtout, dormir… Certaines choses doivent désormais passer après la priorité : le bébé. Lavage des dents à 16h (voire pas du tout), douche prise en 3 minutes à 18h30 (pendant que bébé crie parce que c’est l’heure de la « panique nocturne », même si c’est l’été et qu’il fait jour)… Déjeuners et dîners inclus dans le planning uniquement si quelqu’un d’autre peut s’en occuper pour nous.
Avec une entreprise : c’est pareil. Déposer les enfants encore à moitié en pyjama et pas coiffée, c’est normal : je peux me laver et m’habiller juste avant de partir en rendez-vous si je veux. Et les jours sans rendez-vous, et bien… Bref.
Le temps gagné à mal (voire pas) m’habiller est un temps précieux que je peux consacrer à construire mon succès. Tout comme les minutes récupérées à ne pas manger sont transformables en délicieux instants de sieste pour tout jeune parent.
Je recommande tout de même de garder un créneau pour la douche tout les jours, même si l’horaire fluctue : c’est une question de respect de soi (les gens déprimés arrêtent de se laver, CQFD…).
Imaginez la belle, la fructueuse réussite qui se crée lorsque vous vous consacrez à votre tâche ou à votre bébé au lieu de perdre de précieuses minutes à vous laver ou à manger !
Ce n’est ni idiot, ni sale : c’est de l’efficacité.
Faire ses nuits : HA HA HA !
Il serait logique de croire qu’un adulte libéré de la menace des nuits hachurées inhérente à la condition de jeune parent est un adulte qui fait ses nuits (lui).
Les choses diffèrent sensiblement pour un adulte qui crée sa propre entreprise.
L’entreprise est aussi forte qu’un bébé pour vous maintenir éveillé la nuit. Elle ne crie pas, mais fait naitre des questionnements pouvant atteindre un niveau de pénibilité auquel les hurlements d’un nourrisson n’auraient rien à envier. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le cerveau vrombit. Vroum vroum.
Parfois, ça « vroume » douloureux : doutes, questions, angoisses, peurs, désespoir. Fatigue.
Parfois, fort heureusement, ça « vroume » sympa : idées, excitation, impatience, créativité, peur stimulante.
Mais quand même, fatigue. Parce que pendant ce temps là, moi, je ne dors pas.
Et puis, comme un bébé : votre entreprise vous réveille en pleine nuit, certes, mais ce n’est pas tout. Elle vous maintient éveillé (distinguo subtil) et vous laisse là, hébété et le plus souvent sans réponse suffisamment rapide et convaincante face aux problèmes qu’elle soulève.
Ce que l’entreprise n’a pas et qui fait que le bébé la met au tapis en termes de compensation : c’est qu’elle n’a pas cette peau de velours dans laquelle vous pouvez enfouir votre nez, plongeant ainsi dans l’éternel fascinant de la vie humaine créée à partir de rien que de l’amour. Détail qui remonte sacrément le moral, surtout en pleine nuit (et même si vous avez les cheveux sales).
L’entreprise n’offre pas de compensation dans les ombres feutrées des heures tardives : elle vous laisse simplement debout comme un con au milieu de la nuit et creuse cernes et ulcères qui auront tout bonnement raison de votre jeunesse, ni plus ni moins mes chers amis (mais je l’aime quand même : c’est ma « Petite Troisième », après tout…).
Autre chose : un bébé finit par faire ses nuits entre 3 mois et 15 ans, d’après mes observations sur le terrain. Votre entreprise, elle, a un très fort potentiel d’éveil nocturne pouvant durer jusqu’à 40 ans.
Les indélébiles marques physiques du rêve
Un jour vous rêvez d’un enfant. Et puis un autre jour, pour les chanceux : vous vous retrouvez avec un bébé sorti de vous pour se loger directement au creux de vos bras. Avec pour preuves que le rêve est bien devenu réalité, que tout ça est vrai : les cris, les cacas, les nuits rock’n roll, cette chose toute molle et toute chaude collée à vous 24h/24, et autres éléments dans ce genre raccrochant le miracle à son expression la plus concrète.
Aussi, pour preuve de ceux que le corps à portés et façonnés en de magnifiques petits êtres molletonnés : il vous reste à jamais les marques physiques du miracle de la vie. Bourrelets, vergetures, cellulite, boutons, chute de cheveux monstrueuse, blablablablabla… des trucs de filles.
Créer sa boîte : idem. Quelque chose me dit déjà que je porterai désormais les témoins physiques de ce projet que je couve et mets au monde avec passion. Rides, cheveux blancs, une hygiène qui laisse à désirer (cf plus haut). Comme chez tout jeune parent, mon corps expose au monde l’image douce-amère d’un sérieux coup de vieux adouci, fort heureusement, par l’aura d’enthousiasme béat que je transporte partout avec moi comme ultime bouclier à l’anéantissement de ma jeunesse.
Toutes les toutes premières fois
Heureusement, il y a aussi tout le bonheur qui se joue dans la vie de la chose (de chair ou de capital) que vous créez.
Une nouvelle vie, un nouveau projet, c’est une accumulation de premières fois toutes plus ravissantes les unes que les autres, par exemple.
La première fois que votre bébé marche (sens propre), vous avez envie de le raconter à tout le monde. Même à ceux qui s’en fichent.
La première fois que votre entreprise marche (sens figuré), vous avez envie de le raconter à tout le monde. Même à ceux qui s’en fichent.
Votre potentiel d’émerveillement de jeune parent est très proche de celui que vous mettez en œuvre en tant que jeune créateur d’entreprise.
Vous vous pâmez pour le premier body en taille 40 cm / Vous vous extasiez devant votre premier papier à en-tête.
Vous appelez toutes vos copines, votre mère, le papa et la gardienne de l’immeuble la première fois qu’il se retourne tout seul sur son tapis couvert de gerbis de lait caillé/ Idem la première fois que vous décrochez un rendez-vous avec un vrai client potentiel.
Autre exemple : vous pleurez en riant, hoquetant dans un mélange douteux de miasmes, la première fois qu’il dit un mot (le plus souvent : « papa », bande de miniatures ingrates !) / La première fois que vous envoyez une facture ou signez un contrat, il se passe globalement la même chose.
Pour résumer : en tant que jeune parent et/ou en tant que jeune créateur d’entreprise, on est facilement sur le fil du rasoir sur le plan des émotions. Hormones ? Peut-être.
Passion ? Certainement.
La nouvelle réalité spatio-temporelle
Lorsque l’enfant fait son entrée dans nos vies, le temps ne se ressemble plus. L’activité est constante, où nuits et jours se confondent et ne sont qu’un même enchainement de cycles vitaux.
Du coup les jours se ressemblent tous. Lundi, jeudi, samedi, jour férié. Peu importe : on porte et emporte son enfant avec soi partout et pour tout. Le rôle de parent nous colle à la peau et il n’y a pas de bouton « pause », sous prétexte que ce sont les vacances.
En tant que chef d’entreprise, c’est pareil. Je suis comme un escargot qui porte sur son dos, non pas sa maison, mais sa société. Parce que par essence, ma boite : c’est moi.
La nouvelle réalité chronologique, aussi, c’est le temps qui passe à toute vitesse : que l’on soit jeune parent ou jeune créatrice d’entreprise.
Si les jeunes parents sont souvent encore en pyjama à 18h, ce n’est pas uniquement parce qu’ils ont oublié leur propre existence dans le flou des nuits sans sommeil et des journées sans repas. C’est aussi parce qu’ils ne savent pas qu’il est déjà 18h. Dans leur biologie interne, il serait plutôt 10h du matin. Mais le temps passe différemment avec un bébé et voilà : il est 18h. Ha déjà ? Oui, déjà.
Du côté de la création d’entreprise il se passe exactement la même chose (logique, vu que c’est EXACTEMENT comme avoir un nourrisson). Avant, j’étais salariée. Parfois le temps passait vite. Le plus souvent, il était comme pris dans les embouteillages. Les journées étaient bien plus longues.
Aujourd’hui, c’est moi qui coure après le temps et non plus l’inverse. Dans une entreprise, le travail n’est potentiellement jamais fini. Alors quand on EST l’entreprise, que se passe-t-il ?
« Horaires de travail » est une notion complètement périmée dans ma vie actuelle : je n’aurai fini que lorsque le travail sera fini. Et comme il ne le sera jamais, je pourrais aussi bien travailler 24h sur 24 sans jamais m’arrêter. Mes seuls horaires sont ceux de mes enfants. Et ce sont eux qui, de manière très paradoxale, me sauvent du surmenage (comme quoi on se plaint, on se plaint : mais les enfants c’est pratique quand même).
Voilà pour les premiers résultats de mon étude.
Je commence à être à court de réponses face à la question du « Petit Troisième ».
Et en même temps je comprends mon entourage.
D’une part : si je n’avais pas passé les 25 dernières années à clamer que je voulais « plein d’enfants », personne ne me poserait de questions.
Ensuite, que les gens me posent la question prouve combien il est évident pour tout le monde que je suis assez tordue pour créer ma société à partir de zéro ET faire un bébé en même temps.
Toutefois, comme un bébé, mon entreprise est née quand c’était le bon moment pour elle de voir le jour. Tout concordait, il y avait de la place pour elle, j’étais prête, j’en avais envie, c’était évident.
Donc…
PS : à tous ceux qui m’ont posé la question du « Petit Troisième » dans les deux derniers mois (sois la totalité des personnes que je connais sur cette terre), ce billet ne cache aucune amertume. Continuez de me poser la question, parce que je l’aime bien. Je la trouve marrante. Même si je n’ai pas de réponse.
Contente de te retrouver ! Et quelle ponctualité 🙂
Tu as tellement raison… et toujours avec humour. Particulièrement d’accord avec cette assertion : « Mes seuls horaires sont ceux de mes enfants. Et ce sont eux qui, de manière très paradoxale, me sauvent du surmenage (comme quoi on se plaint, on se plaint : mais les enfants c’est pratique quand même). »
Et comme tu dis, notre entreprise, on l’emmène sur notre dos partout avec nous : c’est à la fois exaltant et pesant, parfois. Je me demande si j’aurais pu passer des vacances plus détendues si je n’avais pas pensé sans cesse à la montagne de travail qui m’attendait à la reprise.
En même temps, je n’ai encore jamais regretté le temps où je croupissais (comme tu dis) derrière une ordi, dans une boîte en mal de communication et en trop-plein de produits chimiques nocifs dans l’atmosphère…!
Et puis ça aussi, « si je n’avais pas passé les 25 dernières années à clamer que je voulais « plein d’enfants », personne ne me poserait de questions. », je sais que je peux faire le même constat. Ma voisine qui me rappelle sans cesse en rigolant les 4 enfants que je disais vouloir quand on s’est connues. 😉
Aujourd’hui, pour le 3e bébé de chair, il me manque juste encore la certitude que je suis prête, l’ « évidence » que j’ai ressenti pour les 2 premiers. On verra…