La vie d’entrepreneur est une expérience mystique.
Voilà la remarque qui tourne en boucle dans ma tête depuis quelques semaines.
À quelques jours du deuxième anniversaire de ma société et après 3 années profondément bouleversantes, j’ai enfin l’once nécessaire de recul pour me poser deux secondes et me dire, dans un « Waow » incrédule : en fait, cette histoire d’entrepreneuriat, personne ne peut en sortir tel qu’il y était entré.
Souvent je lis des articles qui affirment que l’entrepreneuriat nous change.
Moi je dis : c’est nous qui changeons les choses, y compris nous-mêmes, à devenir entrepreneurs. Avoir choisi cette voie, c’est avoir décidé d’abandonner beaucoup pour nous tourner vers ce monde meilleur, auquel nous sommes persuadés de pouvoir apporter notre touche personnelle.
Alors je dis souvent aux gens : « il n’y a pas d’expérience de développement personnelle qui soit plus forte que celle de l’entrepreneuriat ». Ça, c’est parce que j’aime bien les phrases pompeuses.
Ces derniers mois, alors que je découvrais pour la première fois de ma vie ce que ça faisait d’avoir créé une entreprise qui marche, j’ai réfléchi à ce qui avait changé en moi.
Qu’est-ce que j’avais lâché en cours de route ?
On dit souvent qu’il « ne faut rien lâcher ». Et pourtant, je réalise aujourd’hui que j’ai construit davantage d’en avoir lâché en masse. J’ai lâché du leste. Ce qui pesait, ce qui plombait, freinait tout, et qui n’apportait rien : ni à moi, ni à mon entreprise.
Qu’est-ce que j’ai gagné au passage ?
Quelque chose qui me paraît aujourd’hui indispensable à l’histoire que veut écrire un entrepreneur : la paix.
Il y a autant de façons de réussir qu’il y a d’entrepreneurs.
Mais l’entrepreneuriat étant, comme je vous l’ai dit, une expérience mystique : quoi de plus normal que d’utiliser le terme préféré de Jésus. Et de vous affirmer que le changement le plus efficace et le plus porteur que vous pourrez apporter à votre vie de chef d’entreprise sera : de faire la paix.
Je vous donnez quelques pistes :
– Faites la paix avec demain
Demain, pour un entrepreneur, c’est tout ce vers quoi les efforts d’aujourd’hui tendent.
Seulement demain, l’entrepreneur ne sait pas ce que c’est. Parce que demain est la notion indéfinie et incertaine de la vie de l’entrepreneur.
L’entrepreneur sait où il en est aujourd’hui. Il bâtit des plans d’action et construit aujourd’hui, de manière à faire de demain une réussite. Mais il sait une chose essentielle : demain n’a rien de définitif. Demain pourrait être pourri, demain pourrait être féérique.
Demain, pour l’entrepreneur, c’est cette nouvelle donnée qui veut dire que rien n’est jamais définitif, ni figé. Rien n’est jamais certain, mais rien n’est jamais foutu non plus.
Demain est ce qui vous fait réaliser un jour que vous ne pourrez plus jamais vous reposer sur la situation d’aujourd’hui : car elle pourrait basculer dans un demain dont vous ne savez pas s’il arrivera bientôt, dans 6 mois, dans 2 ans, etc.
Demain est aussi ce jour où soudain, tout se débloque, où ça vient, où vous avancez à pas de géants, alors qu’hier vous avait paru si désespérant.
Faites la paix avec ce demain qui ne sera plus jamais écrit d’avance. Parce qu’être entrepreneur c’est se lever chaque jour pour œuvrer à un demain que vous quitterez en étant content. Votre visibilité, ça sera ça. Maintenir vos efforts chaque aujourd’hui, pour tous les « demain » qui se présenteront. Et tant qu’il y en aura : vous et votre entreprise serez toujours debout.
– Faites la paix avec les élastiques de vos sous-vêtements
C’est à dire : « détendez-vous du string » ou « détendez-vous du slip ». Au choix.
Tout seul face au monde, avec sa fuite* et son couteau, l’entrepreneur a vite fait de s’auto qualifier de « trop » ceci ou « pas assez cela ».
Il regarde le voisin, il lit des articles, il construit un monde où le gros nul de service : c’est forcément lui.
Je vous le demande, jeunes gens : peut-on être trop soi-même ou pas assez quelqu’un d’autre ?
Ça n’a aucun sens.
Vous serez lents, vous serez rapides, vous serez timides, vous serez au fond du gouffre, vous serez en forme ou fatigués. Vous tournerez en rond. Puis vous vous relèverez, vous filerez droit, vous trouverez des réponses. Vous êtes vous, et vous n’êtes pas plus con qu’un autre. Alors détendez-vous de l’élastique !
La meilleure chose qui peut arriver à votre entreprise est que vous soyez pleinement, authentiquement et bellement : vous.
Vous avez 23 mille concurrents (j’ai compté) capables de faire exactement la même chose que vous. La seule chose qu’a votre entreprise et que personne d’autre n’aura jamais : c’est vous. Vous et vos points faibles. Oui, mais vous et vos atouts, aussi (et toc !).
Alors voyez ce que vous êtes : et aimez-le.
Appréciez ce que vous faites : et valorisez-le. A cette occasion, réduisez le temps que vous passez à vous concentrer sur ce que vous ne faites pas. Parce que franchement, tout le monde s’en fout (et je vous invite à faire comme eux).
*L’expression d’origine étant « avec sa bite et son couteau », je me suis vue dans l’obligation de proposer quelque chose de plus consensuel.
– Faites la paix avec la pause déjeuner
Imaginez : ça serait l’histoire d’Alexandre le Grand, parti à la conquête du monde, à dos de cheval. Il voyage, il guerroie, il galope trotte et conquiert à tout va. Sauf qu’il ne donne pas à manger au canasson, pas plus qu’il ne l’hydrate.
Et donc ? Et donc son cheval décède lamentablement, bien entendu.
Entrepreneur, vous avez décidé de tout miser sur le même cheval : vous.
Dans l’idée, vous vous êtes dit que si votre aventure pouvait durer longtemps, avec une marge de croissance positive, ça serait même vachement chouette.
« Qui veut aller loin ménage sa monture »… Rings a bell ?
Alors oui je sais : vous êtes passionnés, à fond dans le boulot, la tête dans le guidon, les mains dans le cambouis.
Pas à moi, mes choupinous, pas à moi.
Il faut manger. Il faut faire des pauses.
Attention ! Le burger qui vomit ses oignons sur le coin de votre bureau et englouti en 5 minutes, la pizza mangée sans mâcher et en vous rendant à un rendez-vous : je vous le dis tout de suite, c’est NIET ! L’équilibre, ça compte aussi. Sinon ça fait comme quand on met de l’essence dans une voiture qui tourne au diesel : personne n’en ressort vainqueur.
Manger c’est un art, manger : c’est la vie.
Sauter la pause déjeuner en vous persuadant que cela vous permettra de travailler plus, mieux, et de réussir dans la vie, c’est vous mentir à vous-même : arrêtez de vous faire du mal, et mangez en paix !
– Faites la paix avec les maths
Un entrepreneur passe sa vie à calculer. Il calcule pour tout un tas de raisons, que je peux résumer en une notion… Que dis-je, « notion » : le culte, la sève, la kryptonite de l’entreprise.
LA.
MARGE.
Les maths, pour un entrepreneur, servent à tenir étroitement le fil de l’argent qui sort et de l’argent qui entre. Tout tient à ça. Tous les jours.
Les maths vous permettent de vous recadrer dans le juste équilibre entre ces deux réalités. Hors Taxe, TTC, pourcentages, croissance, chiffre d’affaires, salaires, bénéfices, charges en tous genres (et il y a vraiment beaucoup, BEAUCOUP de genres de charges à payer, notez bien).
Il faut que l’écart se creuse entre vos dépenses et vos entrées d’argent. Il faut que vos bénéfices s’envolent d’année en année. La marge, la marge, la MAAAAARGE !
Faites la paix avec les maths parce que vous le constaterez assez vite : les maths, c’est fabuleux.
(Précision, pour ceux qui doutent d’eux-mêmes en matière de mathématiques : j’ai moi-même longtemps dit « les maths, c’est la mort, c’est le décès, c’est pire qu’éternuer sur un tiramisu ». J’ai culminé à 8/20 de moyenne en classe de Seconde et après ça, j’ai arrêté de me faire du mal : j’ai quitté les maths. Comme quoi l’entrepreneuriat, c’est se réinventer soi-même. Et ça, les amis, c’est beau !).
– Faites la paix avec ceux qui habitent loin et qui ont une chambre d’amis
Mon comptable m’a dit : « on ne prévoit pas de vacances quand on vient de créer sa boîte alors qu’on a tant à faire et qu’on ne sait pas si ça va marcher ».
Mouais… Mon comptable me coûte cher et il aime bien dire de grosses conneries.
(Mais tout de même, une idée comme ça : faites la paix avec votre comptable, il est plus fort que vous en maths).
En général, on devient son propre patron pour se concocter une vie meilleure. Pour mettre ce bel idéal sur pieds, il faut du temps (et quand je dis « temps » je pense à des trucs effrayants du genre : 4 ou 5 ans, voire plus, je préfère ne pas y penser).
Vous travaillez comme un dingue, doutez en permanence, suez, trimez, certains d’entre vous sautent même la pause déjeuner (mais ça ne va pas durer). Vous êtes pauvres, parce qu’il vous faut du temps avant de toucher le moindre euro émanant de votre activité (voir plus haut pour prendre la mesure de la notion de « temps »).
Et par dessus tout ça : il faudrait ne jamais, jamais, jamais partir en vacances. Et vous-même, vous vous laissez presque convaincre : tant ça vous angoisse de lâcher votre entreprise, ne serait-ce que pour le pont du 8 mai.
Waaaaaaooooow !..
La. Vie. De. Rêve.
Faites la paix avec toux ceux que vous aimez bien et qui habitent loin : ils vous hébergeront pour quelques jours (solution économique en attendant le jour béni où vous pourrez vous payer des vacances à New York). Le bénéfice est multiple : voir des gens sympathiques, boire des coups, changer d’air, passer plus de 2 heures d’affilée sans penser à votre entreprise. A cela, j’ajoute le plaisir par anticipation : ces belles perspectives de respiration vous aideront à passer l’hiver.
– Et enfin : FAITES LA PAIX
Faites la paix avec plein de choses mais surtout : faites la paix, tout court.
Souvent, on entre dans l’entrepreneuriat comme on entre en guerre. On se lance dans un combat. Ce parcours où petites et grandes victoires valsent avec des batailles menées toutes dents dehors : dans la hargne, la détermination, l’envie d’en découdre. Braver ses peurs, dompter ses colères, tromper l’ennemi et terrasser les obstacles.
Vraiment ?
Pourquoi tant de violence ?
Choisir l’entrepreneuriat, c’est avoir dit adieu au salariat, à la visibilité, à la sécurité. L’entrepreneuriat, c’est avoir accepté une bonne fois pour toutes que la tranquillité aura des visages fluctuants, dont vous devrez, chaque jour, réinventer les traits.
Ça va déjà être difficile, long, intense… Alors je vous le demande : faut-il que ça soit, en plus, violent ?
Et si l’entrepreneuriat n’avait rien d’un combat ? Ni avec vous-même, ni avec rien ni personne, d’ailleurs.
Tout ce que vous voulez accomplir en tant qu’entrepreneur, vous pourrez l’accomplir de manière pacifique. Souvenez-vous : la paix, c’est ce que tout le monde essaye de faire à grand peine (Cf. Accords de Genève, ONU, Gandhi, Jules César et Cléopâtre). Des trésors de puissance peuvent voir le jour dans l’apaisement et l’harmonie. Rien n’est plus vendeur que l’authenticité, vous verrez. Avancer dans le sens du courant au lieu de se battre contre les vents contraires : méthode suave et 100% plaisir, testée et approuvée pour vous par Grain de Sel.
Et maintenant, peace and love sur vous, mes lapins !
Et au passage, profitez-en pour faire la paix avec AC/DC, parce qu’ils ont raison : « it’s a long way to the top, if you want to rock’n roll » (mais au moins, ça a le mérite d’être rock’n roll).
Quand j’étais salariée, j’engueulais mon chef quand il compromettait soudainement mes pauses déjeuner (il était anglais, il ne pouvait pas comprendre), alors pas question de faire l’impasse sur les repas maintenant que je suis à mon compte! Mais j’ai trouvé une solution sympa : au lieu de faire des réunions avec les gens que je veux rencontrer, je leur propose d’aller déjeuner au restaurant… On profite d’un bon repas et on discute détendus.
En tous cas, faire la paix n’est pas chose aisée lorsque nos émotions jouent aux montagnes russes. Merci pour cet article
Les « montagnes russes », c’est encore une autre paire de manches ! 😉 Là il va falloir que j’y réfléchisse encore plus parce que c’est le gros problème, justement !
Bon en fait, je ne dois pas être prête pour me lancer dans entrepreneuriat, parce que ton article m’a PROFONDÉMENT ANGOISSÉE ! Sans déc’ j’ai failli me remettre à me ronger les ongles pendant le passage sur « la paix avec demain » (alors que je suis sobre depuis plus de 10 ans !). Il n’y a que le passage avec le burger dégoulinant d’oignons qui m’a apaisée, et encore, quand tu l’as mentionné c’était pour dire ensuite que c’était pas bien…. 🙁
J’envie ta sérénité Marie, même si je comprends bien qu’elle est le résultat d’un long chemin…
Non mais attends, je précise : le burger dégueulasse, tu peux le manger. Mais à table, en discutant avec quelqu’un de sympa. PAS EN BOSSANT (c’est la seule règle… t’as même le droit de manger des frittes… Ha j’ai dit « équilibré ». Ils mettent une petite feuille de salade dans le coin de l’assiette en général).
Je suis en train de me lancer en tant qu’indépendante, j’admire (et j’envie) ce recul que tu es capable de prendre sur l’entreprenariat (pour ma part, je ne me considère pas comme une entrepreneure, mais comme une personne en free-lance en gros). Je suis rattrapée par mes angoisses d’échec et je ne sais pas encore comment me rendre visible. J’aimerais trouver ma manière à moi de le faire, seulement autant je suis à l’aise dans mon activité, autant je ne suis pas à l’aise dans l’exercice de « Coucou, je suis là ! Faites appel à moi et payez moi ce que je vous demande car je le vaux bien ». J’ai bien peur que tout cela ne vire au fiasco et je piétine lamentablement.
Justement, ce recul je ne l’avais pas au moment du lancement 😉 Donc j’étais beaucoup de choses : en paix, beaucoup moins ! Ça vient doucement, et il faut prendre ce temps pour cheminer étape par étape.