« Brest, toi et moi ça fait pile trois ans aujourd’hui. Et tu sais quoi ? Je t’aime ».
C’est ce que ma copine Anne-Cécile a écrit sur son mur Facebook, hier.
Thérèse et moi… Ha oui : par souci d’anonymat, Anne-Cécile a souhaité que je la mentionne sous un pseudo.
Thérèse et moi, donc, nous sommes arrivées ici à un mois d’écart.
Brest, toi et moi, le 2 août 2016, ça a fait trois ans.
Je n’ai pas oublié notre anniversaire, je l’ai laissé passer. Tu sais, comme on laisse passer la vie parfois. C’est bête, finalement.
Je n’ai pas oublié notre anniversaire parce que je ne peux pas l’oublier. On n’oublie pas sa propre naissance.
On dit « l’amour dure 3 ans ».
Non pas qu’il faille à tout prix rompre au bout de 3 ans et un jour.
À mon avis, l’idée que véhicule cette phrase, c’est que ces 3 ans sont les années de la naïveté amoureuse. Où tout est beau, tout donne envie, où tout est magnétique et magique. On ressent tout et on ne voit pas bien la réalité crue, tant on est occupé à être fou.
Passé ce délais, et mieux entrainé que quiconque par ces 3 années de trip totalement perché, on voit au-delà du plus évident : on voit le vrai.
On voit les failles, les rayures, la substance unique de ce(ux) que l’on aime.
On voit le vrai, alors du coup, c’est à double tranchant : soit ce vrai-là est par trop vrai. Trop de vrai tue le vrai, c’était mieux avant, adieu, je vais planer ailleurs.
Ou bien… on voit le vrai qui va enfin donner tout le relief à un amour qui ne peut que grandir.
Brest, toi et moi ça fait trois ans, m’enfin j’avais pris 30 ans d’avance sur le processus : du coup, nous ne sommes pas concernées par ce truc.
« L’amour dure trois ans » ? Haha, je ris.
Brest, avec toi l’amour dure 33 ans, et bien davantage.
Je ne parle pas que de moi ; en l’occurrence, c’est de toi que je parle.
T’es vraiment une drôle de ville, Brest.
Tu vis à contre courant, et même, on dirait que ça t’amuse. On dit que chez toi il pleut tout le temps, là où tout le monde se raconte visiblement que dans le reste du monde il ne pleut jamais.
Et puis comme ça tout à coup, tu nous offres des printemps que le soleil ne quitte plus, comme s’il jouait à domicile… pendant que le reste de la France se remplit d’eau jusque par dessus bords. Quand il pleut tout le temps à Brest, il ne pleut nulle part ailleurs. Quand il pleut partout ailleurs, il ne pleut plus jamais à Brest. Parce que toi, t’es pas comme les autres.
Ici, toute l’année il y a de la place à se garer partout. Parce que tu es une « petite ville de province ». T’inquiète, c’est justement ce que les gens aiment chez toi en général, surtout moi. Et puis d’abord, la taille, c’est pas toujours ce qu’on croit. Tu es bien plus grande que ça.
Mais ça, tu le sais déjà.
À Paris je ne pouvais jamais me garer nulle part, d’ailleurs je prenais rarement ma voiture parce que c’est très dangereux de conduire dans Paris de toute manière (au niveau de la pression artérielle, je veux dire). Conduire à Brest c’est très agréable : les gens cèdent la priorité et s’arrêtent pour laisser passer les piétons. Sauf aux ronds points : aux ronds points, à Brest, les gens ne cèdent rien de rien, c’est « roule ou crève !». À Paris, aux ronds points, on s’arrête pour respecter la priorité.
Mais toi, t’es différente, t’es inversée, et puis c’est tout.
Les citadins sont en général prudents sur les routes de campagnes. Sauf à Brest : où, quand ils viennent passer leurs vacances dans les environs, ils roulent très très vite, en collant l’arrière de la voiture de devant. Une façon d’investir pleinement ce retour à leurs racines (car beaucoup de nos visiteurs sont originaires d’ici, de près ou de loin). C’est le « qui-qui-connaît-mieux-la-route-que-toi-moi-aussi-je-suis-d’ici» : version terroir du globalement répandu «qui-qua-la-plus-grosse », qui consiste à placer dans les chevaux de sa voiture la traduction d’une puissance qu’on aimerait bien exprimer ailleurs. Du coup, comme les vacanciers roulent vite, hé bien les brestois, plutôt courtois au volant le reste du temps, se mettent à rouler très vite. Bref, à Brest l’été, tout le monde fait n’importe quoi. Parce qu’ici, c’est Brest; et qu’à Brest, on fait n’importe quoi si on veut.
Paris, l’été, est vide. Vide, vide, vide. Ha ben là, du coup, il y a de la place partout. Même dans le métro on peut passer un trajet entier sans avoir à recevoir les postillons de quelqu’un en pleine figure.
Brest, en été, t’as plein de gens qui te fréquentent. Des restaurants pleins à la pause déjeuner, des terrasses bondées à l’apéro. Et puis pour aller à la plage, c’est l’horreur : il y a du monde avant la plage, aux abords de la plage, sur la plage, et dans l’eau. Le retour de plage, l’été, nous offre les seuls vrais bouchons que nous connaissions ici : ¼ d’heure de ralentissement au bas mot. Pour un brestois, c’est très long.
Et puis en plus, tu fais la fête. En été, plus que jamais. Cette année, plus que les autres années.
Parce que cette année c’étaient les Fêtes Maritimes, que j’appelle, par souci de tradition : « les Brest 92 » (je fais comme toi, je vais chercher dans la différence).
Brest 2016, que tu étais belle !
Que tu vivais, que ton cœur vrombissait !
C’est comme si tu avais bien voulu montrer, une fois n’est pas coutume : tous les rires, les bruits, les musiques qui naissent ici l’hiver dans la chaleur des foyers, murissent au printemps dans des jardins de soleil, et que tu dissimules avec espièglerie le reste du temps. Tout le monde était là pour te fêter, sous une chaleur étouffante, jusque tard dans la nuit. De chez moi, en allant me coucher, j’entendais les sirènes des bateaux de la parade nocturne. Je n’oublierai jamais la magie de ces soirées-là.
Tu est tellement belle, Brest, quand les gens viennent t’aimer par milliers !
À tel point qu’avec une poignée d’enthousiastes, nous avons décidé d’en faire une fête annuelle (cette décision, bien que survenue après la consommation de quelques bières, n’en est pas moins très sérieuse).
Brest, maintenant c’est la rentrée.
Notre troisième rentrée à toi et moi. Et comme chaque année j’ai chaud au cœur, parce que je me souviens qu’il y a trois ans, je me suis dit que commencer une vie ici, c’était comme naître une nouvelle fois. Et chaque année, je me souviens qu’à Brest, c’est là où je peux vivre, revivre, et vivre encore davantage si je le veux.
Comme il y a trois ans, tu nous as offert un été inlassablement ensoleillé et chaud.
Plus que jamais, je me suis gorgée de toi cet été. Je t’ai consommée jusqu’à plus soif, je t’ai découverte, je t’ai visitée, je t’ai savourée. Trois ans, déjà… Seulement.
Comme il y a trois ans, la rentrée et l’arrière-saison, avec leur météo estivale, donneront à nos week ends cette sensation de vivre dans un bout de paradis que personne n’avait pensé à décrire comme tel : là où l’été dure jusqu’à la Toussaint. Là où il fait bon vivre. Là où on a le temps, où la mer change de couleur tous les jours. Là où les enfants courent dans les vagues en hurlant, fous de plaisir, jusqu’à ce qu’il faille sortir les blousons, presque sans transition.
Comme chaque fin d’été, les vacanciers qui remplissaient tes rues sont rentrés chez eux, souvent le cœur gros. Ils ont laissé derrière eux ce souffle d’air qui emporte avec lui les rires des vacances tout en restant suspendu suffisamment longtemps pour semer la promesse des retrouvailles. Comme chaque année, j’ai l’impression de te retrouver. Comme lorsque, enfant, le jour de la rentrée, j’attrapais ma copine par la main pour avancer avec elle dans les nouveaux chapitres que nos vies allaient nous raconter.
Comme à chaque fois, Brest, il ne reste plus que toi et nous, en attendant que d’autres viennent ici pour t’aimer à leur tour.
Brest, c’est notre troisième rentrée.
Ce bout du monde qui nous pose le reste monde à portée de la main…
Et tu sais quoi ? Je t’aime.
Brest, trois ans
Tu sais quoi, Marie ?
Tu devrais écrire un roman d’amour … ou plutôt non : une histoire de vie (le roman d’amour c’est banal et à la portée de n’importe qui !). Une histoire de LA vie, cette vie qu’on attrape en naissant et qui nous fait du mal, qui nous fait du bien, dans le cœur qu’on a.
Je crois que tu serais bonne dans ce sport-là. Allez, Marie, dis-nous une histoire forte et âpre comme les embruns de cette Bretagne éternelle, qui vit, elle. C’est pour ça qu’on l’aime. Tu veux pas ?
P.S. : Beau ton texte !
Oui Jipé, mais puisque l’amour, c’est la vie : si j’écris un roman d’amour ça sera, par la même occasion, une histoire de vie 😉
Merci pour ton commentaire !
C’est marrant ça, je suis arrivée le 9 août 2013 moi…
Et cette belle histoire d’amour avec Brest est loin d’être terminée!
Oui tu sais : j’ai réalisé que j’ai une poignée d’amis avec qui nous avons tous en commun d’être arrivés il y a 3 ans à Brest. Nous nous en sommes rendus comte après coup, c’est drôle ! On pourrait faire un club 😉
Waouh quel beau texte Marie! Quel plaisir de lire un texte célébrant Brest, la ville où il pleut tout le temps, disent les autres !! Brest et moi ça fait 35 ans et je l’aime de plus en plus et je suis fière d’y habiter !
J’ai mis du temps à le dire mais maintenue je l’assume ! Oui Brest est une ville magnifique que je ne quitterais pour rien au monde! Elle a tout d’une grande cette petite ville!! 😉
Bonne continuation à Brest, Marie !
Merci Anne !
Hé oui, moi je trouve qu’il fait bon vivre ici 😉
Jolie déclaration… je pourrais faire de même car Brest me manque depuis trois ans et même plus! 😉
Grâce à ton texte, je regoûte par procuration à ces plaisirs brestois connus et reconnus.
L’essayer c’est l’adopter? Je ne sais pas, en tout cas elle est incomparable, c’est sûr, et originale.
Profite bien de l’air iodé et des jolies couleurs de ce mois de septembre!
Merci Marion !
Maintenant que tu le dis, oui, j’ai l’impression que « l’essayer c’est l’adopter » : je croise tellement de gens qui sont passés, même peu de temps, et qui sont attachés à Brest !
J’en ai les larmes aux yeux…
mille mercis pour ces mots si sincères qui viennent droits du cœur, et qui font rêver!
Merci Géraldine 🙂 Du coup je crois que ce billet répond à ta question précédente 😉
Pour ma part , j’ai quitté Brest il y a 21 ans déjà , oh ! pour ne pas aller très loin 40 kms au plus , mais cette ville est une de mes plus belles rencontres amoureuses si on ne trouve pas trop stupide de tomber amoureux d’une ville , mais j’y reviens souvent , seul les jours de spleen retrouver les souvenirs et les rêveries des jours heureux d’antan , à nulle autre pareille cette capitale bout du monde , où face au goulet on sait qu’ici ce n’est pas la terre qui finit , mais le monde qui nous invite ! Trois ports …. pour ajouter au charme d’une cité qui a le talent de s’en dire dépourvue .
Je me reconnais assez dans l’idée de « tomber amoureuse d’une ville » 😉 Merci pour ce commentaire Yannick ! Il fleure bon les plaisirs de la belle du bout du monde aux trois ports 😉