En 2018, j’ai décidé de commencer mon année en réalisant un rêve : j’ai écrit mon premier roman.
Le bilan de l’expérience serait riche.
Écrire un roman a été une mine d’or d’enseignements, dont certains étaient très inattendus pour moi.
Est-ce l’écriture, la création ou, plus largement, le fait de dépasser quelque chose, pour toucher du doigt ce qui me faisait tant rêver ?
Arf… sans doute un mélange de tout ça 😉
Pour pouvoir faire ce grand bond, j’ai dû accepter d’apprendre ce sans quoi je n’aurais pas pu avancer dans mon projet.
L’imperfection.
Hé oui, pour écrire un roman, il m’a fallu, du début à la fin, et encore aujourd’hui : comprendre une bonne fois pour toutes qu’il ne pourrait jamais y avoir de perfection. Ni dans ce roman, ni dans rien d’ailleurs : car la perfection est la chimère qui tue les projets et les gens qui s’acharnent à s’y accrocher.
Pour moi qui ai tout construit sous ma propre pression, comme s’il était question de vie ou de mort, accepter et embrasser l’imperfection est une… révolution.
C’est un apprentissage hein. Et vous voulez savoir ? Ça fait du bien.
Et pourtant, aussi, ça m’a fait réfléchir. J’ai regardé autour de moi. J’observais ce que je faisais, ce que je disais, et l’univers dans lequel j’évoluais.
Et je me suis demandé si j’étais complice de la course à la perfection dans laquelle le monde s’acharne à s’engouffrer… pour son plus grand malheur.
Cette quête est partout.
Ouvrez grand vos yeux et vos oreilles, vous ne pourrez ignorer que vous devez êtres parfaits.
Car vous êtes informés.
Vous savez donc très bien que vous pouvez faire mieux pour votre corps. Manger plus de vert, moins de sucre, pas de viande. Vous savez que votre intérieur pourrait s’en trouver bien plus parfait. Et, par extension, le monde dans lequel vous vivez aussi : parce que tuer des vaches élevées de manière imparfaite, hé bien… c’est imparfait de le faire.
Vous vous devez, à vous, ainsi qu’à vos conjoints, vos enfants et toute votre descendance sur 5 générations : de trouver le vrai sens de votre vie, votre vrai talent, afin de vous engager enfin dans ce qui vous convient vraiment. Et donc arrêter de vous fourvoyer à passer à côté de votre… génie.
Vous ne pouvez pas ignorer que faire du sport toutes les semaines, c’est mieux. Arrêter de fumer, ne boire que modérément, éviter toutes drogues, vous coucher tôt, vous lever tôt également, travailler dur, travailler mieux, mais ne pas trop travailler car qui succombe au burn out témoigne de l’imperfection avec laquelle il ou elle a géré sa très grosse fatigue…
Qui peut encore ignorer comment elle ou il a le devoir de se montrer parfait en toutes choses, de nos jours ?
Je me suis demandé si nous avions encore le droit de choisir d’embrasser notre imperfection.
Ou même : de ne se poser aucune de toutes ces questions et de nous contenter de… vivre.
D’aimer boire du vin en mangeant du saucisson, tout en sachant tous les torts qu’ils causent à notre flore intestinale. D’être fatigués et incapables de travailler, certains jours. Et d’aller faire la sieste. De ne pas se mettre au sport, jamais : ni en septembre, ni le premier janvier, ni en mai, alors qu’approchent les jours de plage. Et ça, non pas à cause d’un genoux blessé ou d’une insuffisance respiratoire : mais par choix de ne pas faire de sport, et puis un point c’est tout.
J’ai cru comprendre, encore et encore, pourquoi les peintures de la Renaissance étaient bien plus intéressantes que les photos des stars du XXIe siècle (indice : n’aurais-je pas déjà vu ce nez sur le visage de 86 autres actrices cette année ?).
J’ai compris combien il était facile d’être victime du culte à la perfection.
Mais je me suis demandé à quel point j’en étais aussi complice.
À quel point sommes-nous les deux, dans un cercle vicieux qui tourne bêtement en rond sur lui-même ?
Je ne m’étais jamais tellement accordé l’option d’être imparfaite. Sauf par à-coups, par révolte, par fatigue de ce marathon de l’illusion qui n’apporte que de très rares et très factices satisfactions.
Je me suis réjouie d’avoir choisi un métier entièrement fondé sur la compétence de l’imperfection et de l’inexactitude : le rapport humain.
Au fond, ça m’a rassurée : j’œuvre tous les jours pour que nous embrassions davantage notre imperfection de nature… de manière à rendre l’expérience intéressante, riche, constructive. Vivable avec le moins de souffrance possible.
Ça m’a rassurée mais j’ai quand même pensé que j’avais beaucoup été complice de cette quête de perfection qui me dégoûte chaque jour davantage. Cette course désespérée et perdue d’avance. Cette fuite en avant qui nous fait louper au passage tout ce que la vie nous offre de bon à vivre. Tout ce qui n’est pas parfaitement organisé, parfaitement propre, parfaitement prévisible, parfaitement unanime, parfaitement réalisé, parfaitement terminé, ni parfaitement clair. La vie.
Comme j’aurais aimé savoir, dès toute petite, que je ne serai jamais parfaite, et que je n’en serai que plus intéressante. Comme j’aurais aimé savoir ce que cela voulait dire.
Comme j’aurais aimé savoir qu’en quittant l’illusion de perfection, j’embrasserai la certitude d’imperfection : et que celle-ci porterait dans son sillage mes bonheurs les plus grands, les plus pleins, et les plus éternels.
Et comme j’ai peur, parfois, d’élever des enfants dans ce culte de la perfection qui ne les mènerait nulle part, si ce n’est à leur perte !
Mais je ne peux pas non plus me résoudre à me mettre la pression pour apprendre à mes enfants qu’ils ont le droit d’être imparfaits : ce serait pêcher par excès de perfectionnisme.
Ces derniers temps j’ai beaucoup pensé à la perfection, cette absente éternelle que l’on désire autant que l’on finit par la haïr.
Je me suis dit que j’avais encore du chemin à parcourir pour rompre avec elle définitivement. Après de longues années, la séparation prend toujours plus de temps.
Je me suis dit que je n’étais pas la seule à vouloir rompre. À vouloir respirer tranquillement.
Je me suis dit que je continuerai à manger de la viande, à ne faire du sport que s’il implique une planche, des vagues, et que c’était déjà beaucoup.
Je me suis engagée à continuer à enseigner aux gens combien tirer le meilleur de cette certitude de perpétuelle imperfection.
J’ai décidé de continuer à dire des gros mots dans les circonstances les plus imparfaites possibles, à ne pas connaître le nom de tous les ministres du gouvernement, à ne pas avoir le même avis que tout le monde, à faire des erreurs de choix et de jugements tellement énormes qu’on croirait que je les ai inventées (hélas non).
Je me suis régalée à penser que je continuerai à écrire des choses imparfaites. Comme ce billet que je choisis de ne pas relire, pour la toute première fois de mon histoire bloguesque, et pour coller au thème du jour.
Et j’espère à l’avenir aimer pour de bon cette imperfection qui me fais si bien être moi-même.
Je souhaite embrasser toujours davantage cette imperfection qui me permets de créer tout ce qui vaut la peine d’être vécu, pour moi.
Je me suis dit qu’il faudrait faire attention à ce qu’une course à l’imperfection ne vienne pas supplanter celle de la perfection.
J’ai compris qu’il n’y avait rien à penser de particulier, pour quitter enfin le culte de la perfection. Et qu’il n’y avait qu’à arrêter de chercher à faire mieux tout le temps, pour enfin prendre ses assises les plus délicieuses en ce qui est, là, maintenant.
Embrasser enfin l’imperfection, c’est arrêter de chercher pour, enfin, vivre la vie.
J’ai songé à un mot tout simple, si doux, si tranquille que je m’en trouvai immédiatement apaisée : le contentement.
Il est le grand frère de l’autre grand oublié du culte de la perfection et qui, pourtant, saura si bien le supplanter : le plaisir.
Depuis 20 lignes, j’évite de tomber dans le travers de jeter ici les règles de ce qui serait la voie vers l’imperfection, comme nouveau graal d’une société qui n’a pas besoin qu’on la rende plus malade.
Je tiens bon et finirai donc par clore ce billet par cette idée plus vulgaire, moins parfaite je l’espère : que la perfection pue du cul, et que nous avons tout à gagner à arrêter de nous faire chier avec toutes ces conneries.
Et je crois tenir là un remède miracle.
Je vous souhaite une semaine de vie telle qu’elle est, car elle est parfaite (oups !).
Marie-Haude
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Je vous y enseignerai une méthodologie pour poser les bases de votre communication : pour vous différencier et créer une rencontre riche et fructueuse avec vos interlocuteurs.
Ici encore, point de perfection possible : le sujet sera de dire bien, et croyez-moi, ça fait déjà tout !
Les informations sont ici, il reste des places, profitez-en, le programme est ici
[crédit photo de Une : Bùi Linh Ngân]
Merci. Merci.
C’est bien de lire en quelques minutes ce qu’on aimerait formuler et qu’on peine à expliquer autour de soi.
Je fuis la course à la perfection un peu comme la lèpre, la peste et toutes ces maladies pseudo romanesques qu’on n’a jamais vu de près ou de loin (tant mieux) et dont on ne connait pas vraiment les symptômes.
Quand on a six enfants et qu’en plus on est peintre on est déjà forcément hors « circuit propre-raisonnable-la-pelouse-est-bien-tondue » i tutti quanti. (C’est mon cas). »
Je crois profondément que la vraie vie est ailleurs. Et qu’effectivement elle est imparfaite.
Jolie, charmante, bancale, incertaine, maladroite, parfois triste ou cradoque, belle à nouveau, imprévisible, vibrante, douloureuse mais surtout palpitante et riche !
Alors bon vent, et vive le saucisson !
Hahaha ! « vive le saucisson », ce slogan qui nous mènera loin ! 😉