Quand on sera grands

Lorsque nous étions enfants, avec mon frère, il nous arrivait de rêver à la vie de «grands». Nous nous imaginions adultes. Lorsque nous serions vieux comme nos parents : lorsque nous aurions 30 ans…
Pour nous, c’était le paradis, la grande vie. Tout était plus facile, plus simple. Nous serions les maîtres de nos vies. Limite : les maîtres du monde.

On se disait que lorsque nous serions des grands, nous pourrions faire des repas de bonbons. Rien que des bonbons. Pendant des semaines entières. Et même que ça ne nous donnerait pas de caries, parce que les parents, c’est bien connu, n’ont aucune carie. Les caries étaient un fléau inventé par les adultes pour soumettre les enfants à la consommation de légumes verts et de yahourts natures sans sucre…
En dessert, nous mangerions des gâteaux au chocolat avec une bombe de chantilly (chacun).

On se disait qu’on regarderait la télé tous les soirs. Et même les «soirs d’école», oui. Qu’on n’aurait rien à demander à personne. Qu’on connaitrait, du coup, tous les films à connaitre. Et qu’on veillerait jusque tard dans la nuit : 23 h.
D’ailleurs, nous pensions carrément à faire des plateaux-repas de bonbons aux gâteaux, devant la télé. Rock’n roll.

J’aurais les cheveux bouclés et longs, comme les princesses. Il serait grand, chauve et musclé, comme Mickael Jordan.

On se disait que, plus tard, on ne ferait plus jamais de devoirs à la maison (on prenait parfois de l’avance en ne les faisant pas, d’ailleurs).
On aurait chacun un travail. Dans un bureau au sol recouvert de moquette. Pour faire des pauses, on ferait des photocopies de nos mains. On jouerait avec le fax. On passerait notre temps au téléphone (et on ferait des canulars longue-distance payés par la boîte).
Nous exercerions des métiers respectables et très rémunérateurs.
Si la vie de bureau nous lassait, finalement, nous avions tout prévu.
Il serait pompier, pour être le plus fort et sauver la vie des gens. Ou peut-être chef cuisinier, pour manger les meilleurs choses du monde dans son restaurant étoilé. Ou bien encore banquier, pour palper du gros billet toute la journée (et parfois il prenait de l’avance en vidant ma tirelire).
Je serais institutrice, pour être entourée d’enfants mais aussi pour être celle qui commande.
Ou chanteuse, pour être une star, et pour être heureuse. Il serait basketteur en NBA parce qu’il serait le meilleur, et pour être heureux.

Je porterais des tailleurs-jupe et des talons (mais aussi du rouge à lèvres), ou des pantalons en cuir et des tops à paillettes. Lui, des costumes sombres et peut-être une moustache, comme les papas. Et de gros muscles, bien sûr.
En parallèle, pour l’adrénaline, nous serions cambrioleurs ou agents secrets. Nous aurions des combinaisons noires, nous agirions la nuit, nous aurions plein de gadgets. Nous nous ferions appeler «Agent 007», et moi : «agent 06» (parce que j’avais 6 ans).

Non ce n'est pas nous... Nous étions encore plus ringards (années 1980, tout ça...)

Non ce n’est pas nous… Nous étions encore plus ringards (années 1980…)

On aurait une femme jolie et petite (lui), et un mari grand beau et fort (moi). Avec une moustache, comme papa (mon mari, toujours. Pas ma belle-soeur). Elle serait d’un pays très lointain et très exotique. Ou Bretonne. Il serait blond aux yeux bleus, comme tout prince charmant digne de ce nom. Ou brun, comme papa.
Nous serions très amoureux d’eux. On aurait beaucoup d’enfants. Deux. Ou six. Chacun.
Nous aurions un chien (lui) et un chat (moi).

Avec nos conjoints, nous ferions des dîners d’adultes. On y parlerait de choses sérieuses en buvant du vin rouge. De l’actualité sportive : le dernier péno de Platini. De la vie politique : la dernière de Mitterrand et Gorbatchev, avec un peu de «Tatcheure» et de Cresson.

Nous voyagerions. Il découvrirait Hanoi. Moi, New York.

Nous aurions de belles maisons. Des voitures avec lecteur CD. Et la climatisation, comme en Amérique.

Nous n’aurions plus peur du noir. Nous serions forts. Nous serions extrêmement rapides en course à pied.
Nous irions à DisneyWorld, en Floride. Nous ferions des photos avec Mickey, Donald, et le dragon de la Belle au Bois Dormant.
Nous mangerions des «otedogues» et des «âmeburgueures» avec des tonnes de frites.

Nous aurions le droit de dire des gros mots devant nos parents. Et même de les appeler «‘man» et «‘pa», comme de vrais adultes. Avec eux aussi, nous aurions des conversations de grands, d’ailleurs. Concernant Alain Prost, Lech Walesa, les seins pointus de Madonna, George Bush (le père) et ce fameux mur de Berlin qui volait en éclats…
Et parfois, nous ne prendrions pas de douche, nous ne nous laverions pas les dents, ni ne nous couperions les ongles. Ils n’en sauraient rien.
Ils seraient retraités, alors ils garderaient tous nos enfants les mercredis et les vacances scolaires. Cela nous permettrait de sortir, parfois. D’aller au cinéma : voir des films qui font très très peur. Les dents de la mer, les Gremlins (le 1 ET le 2… dans la même soirée).

Nous ne nous battrions plus. Il arrêterait de me cracher dans les cheveux et moi, de lui griffer les mains et le visage. Trop adultes et trop murs pour de telles sottises, nous serions finalement bons amis. On boirait des coups ensemble (ainsi qu’avec nos conjoints : la petite bretonne et le grand brun à moustaches). Parfois, nous prenions de l’avance et nous amusions énormément, ensemble.

Nous quitterions Paris.

Nous retournerions chez nous.

Nous irions vivre en Bretagne.

Si je raconte tout ça, ce n’est pas seulement parce que j’adore déballer ma vie (mais c’est surtout pour ça hein). C’est aussi parce que dans le cheminement que j’effectue depuis quelques mois, il m’est apparu essentiel de me souvenir de mes rêves d’enfants. De les revivre « comme si j’y étais ». Replonger ainsi dans mon enfance n’était pas seulement doux et chaud. C’était aussi une manière de reprendre contact avec une partie de moi bien réelle. Et de regarder un peu ce qu’il en reste aujourd’hui, à l’aube de mes 30 ans.

Je développerai tout ça dans un autre billet. En attendant, vous pouvez me dire, vous : vous vous voyiez comment, quand vous seriez grands ?

"Hin hin hin ! "

« Hin hin hin ! « 

PS : sur les photos, ça n’est pas nous… même si ça pourrait…Je les ai piquées sur le site Awkward Family Photos et, si vous ne le connaissez pas encore, je vous en supplie, allez-y : vous allez rire, c’est promis ! (je recommande la catégorie « Sibblings » dans laquelle j’ai pioché ces deux photos et qui est… mémorable…)

Rendez-vous sur Hellocoton !
Partager cette lecture :
Share

14 Comments

  1. Joyeux zanniv’ alors ma grande !

    • Hahaha ! Mais non c’est pas aujourd’hui 😉 c’était une façon de parler ! C’est dans pas longtemps par contre (genre 3 semaines tu vois) T’as raison, ma phrase prête à confusion… M’enfin si des gens veulent m’offrir des cadeaux aujourd’hui, croyant que c’est mon anniversaire, je suis preneuse !

  2. Comme ça au moins j’aurai pris de l’avance !
    Et là j’ai pas l’air bête du tout non non !

  3. Heureusement que Marie s’est viandée, parce que j’étais partie pour te souhaiter un bon anniversaire aussi. C’est cool, ce n’est pas moi qui ai l’air con 😉 !
    Enfin bon… Je vais te le souhaiter quand même, parce que je suis du genre à y penser très fort les jours d’avant, et plus du tout le jour J. Alors comme ça, même si j’oublie dans 3 semaines (à peu près), ce sera pas trop grave, vu que je te l’aurais déjà souhaité… Pas con, hein ?
    Ah, et sinon, j’aime bien ton billet. Moi aussi, ce que j’imaginais gamine ne correspond pas vraiment à ce que je suis maintenant (et c’est rigolo, parce que j’ai un article en poche qui part du même principe que le tien, mais qui finalement n’a pas grand chose à voir. Bref.)

    • Ha oui : pareil mais pas pareil ? Je connais 😉 J’ai enlevé la partie de la phrase qui prêtait à confusions, comme ça personne ne me souhaitera un joyeux anniversaire ! Merci pour ton commentaire !

  4. C’est un repaire de Maries ici, non ?
    Moi quand j’aurais été grande, j’aurais été kinésithérapeute et ma sœur Christelle la chanteuse (elle ne s’appelle absolument pas Christelle). Et j’aurais appelé ma fille Melody (y’a pas que les grands qui rêvent, merci, je viens de me coller la chanson dans la tête pour la soirée). Et j’aurais eu une voiture rouge.
    Sinon, mon père était barbu quand j’étais petite. Mon mari est barbu (et j’adore ça !) (mais il ne me fait pas penser du tout à mon père) (ce serait trop dégueu).

    • Oui ici il faut s’appeler Marie (ou Grain de sel, mais c’est plus rare) 😉
      Han ! Mélody !!! Merci, maintenant j’ai la chanson dans la tête ! (mais j’aime bien, en fait).
      Ha ton mari est barbu comme ton papa ? ça veut tout dire… Mon mari a vraiment de la moustache comme mon père tu sais, et je n’essaye pas de me mentir : C’EST louche…

  5. MoO

    Moi je voulais être shampouineuse pour rien et chat !!! héhé

  6. Ah les souvenirs d’enfance! Ca devait être chouette d’avoir un grand frère! Moi j’avais une grande soeur. Elle était mon idole et je voulais tout comme elle!!! J’étais rarement originale! Il m’aura fallu attendre d’avoir 12-13 ans pour me détacher et me découvrir un vrai moi!
    Joli article! Tu m’as fait voyager un instant dans ma propre enfance!

  7. Émilie

    Comme je t’envir d’avoir eu un frère de ton âge pour tout partager (les crachats et les griffures y compris)… J’espère que mes fils auront, eux aussi, tous ces rêves complices a partager !
    Mes rêves à moi: j’aurais mon premier enfant à 23 ans, et mon vieux chat Toutnoir qui ne serait jamais mort… Tu remarqueras qu’il n’était pas question de boulot ni de mecs:-)

    • Je trouve que le mec est sous-entendu dans le « j’aurais mon premier enfant à 23 ans » 😉 Dans nos rêves d’enfants il y avait la carrière parce qu’on croyait que le « bureau » de nos parents était un endroit où on s’amusait énormément (notamment parce qu’il y avait des fax et des photocopieuses, objets magiques…).
      Je peux montrer à tes fils comment on fait de vraies fausses conversations d’adultes si tu veux : c’est un art auquel on s’entrainait beaucoup avec mon frère !

Leave a Reply to MarieGraindeSel Cancel Reply