Mais j’espère que je me trompe

C’est comme si, dans un bar (admettons) on me proposait de choisir la musique de fond. Et que je refusais : « parce que personne n’écoute, parce que tout le monde s’en fout. Parce que qu’est-ce que ça peut faire d’écouter de la musique de toute manière ? C’est pas ça qui va me donner un salaire… ». Et que je refusais de choisir la musique. Tout en étant farouchement opposée à ce qu’on passe du Michel Sardou. Parce que j’aime pas.
Et là, pas de bol : mon voisin, qui lui, a bien voulu profiter de ce choix qu’on lui offrait, choisit Sardou.
Vraiment pas de bol.
Moi je trouve que si je n’ai pas envie d’écouter Sardou, auquel je préfère Johnny qui chante « Gabrielle », le moyen le plus sûr pour moi d’éviter de subir le premier, est de faire savoir que je préfère écouter le second.
Peut-être que tous les autres clients du bar vont s’opposer à mon choix. Peut-être que je devrai écouter Michel, finalement. C’est pas de chance mais c’est le jeu.
Au moins, j’aurai ouvert ma gueule.
Johnny, ce n’est pas mon préféré. Franchement, à côté le Lou Reed, Dylan ou Kanye West… Mais bon, Sardou, c’est vraiment pas possible.

Et Marine, c’est vraiment pas possible.

Alors dimanche, je vote.

J’évite toujours soigneusement de parler politique. Je trouve qu’il n’y a rien d’aussi efficace que la politique pour mettre une ambiance bien moisie dans un dîner entre amis.
J’évite soigneusement les réseaux sociaux, les soirs d’élections.
Mais ceux qui râlent : râlent avant, râlent pendant, râlent après. J’essaye de ne pas les voir, mais c’est difficile.
Je ne juge pas, sur le principe : car pour moi aussi, râler est une passion profonde.
Ceci dit : quitte à râler, autant râler légitime.
Et je ne pourrais pas supporter de voir de nouveau les français s’indigner par milliers de ce que le FN est le « premier parti de France »… Alors qu’ils n’iront pas voter.
Mais j’espère que je me trompe.

Le FN n’est pas le « premier parti de France » : il est le premier parti de ceux qui ont l’intention de voter. Il sera sans doute le premier parti de ceux qui iront voter. Où est le problème ? Ils l’ont bien mérité, leur « premier parti ». Ils y vont. Ils se déplacent. Ils votent pour lui, ils l’élisent.
Ils ont ce qu’ils veulent : ils ont ce qu’ils choisissent. Pourquoi est-ce que je râlerais contre eux ?
Mon problème c’est que tous ceux qui voteraient pour d’autres ne se déplacent pas. Laissant au peu qui se déplacent tout le loisir de voter pour le FN.
Mais j’espère que je me trompe.

www.mariegraindesel.fr_vote

On a le droit de voter. Mes souvenirs de cours d’éducation civique de CE1 et la Constitution me permettent d’affirmer que voter : c’est aussi un devoir.
Le vote nous a été donné en cadeau avec le reste, dans le colis de la démocratie. Et encore, pas comme ça, d’un seul coup.
Parce qu’il en a fallu, des têtes coupées, des gens emprisonnés pour des raisons obscures, du suffrage indirect, des femmes qui n’avaient droit ni à un compte en banque, ni à la citoyenneté… Il ne s’est pas gagné en un sourire bleu marine, le droit de vote. Non. La France en a bien chié pour que toi ou moi puissions exercer le pouvoir du vote.

Un pouvoir, un droit, un devoir. Tout ça à la fois.

Nous l’aimons notre démocratie ? Je l’apprécie, ma liberté d’écrire sur un blog publique, et sans rien risquer du tout, que j’emmerde Marine Le Pen BIEN PROFOND. Je ne risque rien (à part les trolls : weeeelcome !).
J’ai le droit de beaucoup.
Parfois j’ai l’impression que j’ai le droit de tout, et que c’est normal. Pourtant ailleurs, même en 2015, tout le monde n’a pas le droit à tout ce que j’ai gagné par le simple fait d’être née ici. J’ai même le droit de râler et de rester chez moi sans voter : la police ne viendra pas me chercher.
C’est normal de profiter de tous les avantages de la démocratie sans jamais rien lui donner en retour ? Elle vit de quoi, la démocratie ?
De mon droit, de mon devoir, de mon pouvoir de choisir, entre autres choses.
Alors comme j’aime ça, la liberté : j’agis dans sons sens. Je n’aime pas subir : ni les choix des autres, ni rien du tout.

C’est comme si par miracle, nous avions le droit d’élire notre patron, dans une entreprise. Et qu’on prenait bien soin de laisser ce vote précieux à ceux de nos collègues qui ont des idées particulièrement opposées aux nôtres. Mais jamais de la vie !

Je ne dis pas… ce n’est pas parce que je vote que je verrai ceux que j’ai choisis arriver au pouvoir. C’est le jeu. C’est parce que je ne suis pas toute seule. C’est le principe même de donner une voix à tout le monde : dans l’espoir que plus jamais quelqu’un ait l’idée saugrenue de prendre à lui seul la parole de tous pour mieux détruire ce que nous avons construit.

Je ne vais pas faire semblant de ne rien remarquer. J’ai vu moi aussi, ces politiques décevants. Ces lois qui ne m’arrangent pas du tout, du tout. Leur côté décalé. Leur incompréhension de ce que c’est d’être nous. La frustration de les voir embourbés dans leurs magouilles et jeux de pouvoir alors que tout ce que j’attends d’eux c’est qu’ils prennent soin de nous. De cette République et de ce pays. Chez nous.
Mais il y a aussi tous ceux de dimanche. Qui s’occupent de nos départements, de nos localités. De nos économies, de nos réalités. De nos enfants.
Vous croyez que ça leur fait quoi, quand le FN est « premier parti de France » : quand si peu auront voté. Après tous les efforts qu’ils font. Pour nous.
Et si un jour ils sont découragés de tout ça ? Qu’ils se lassent de faire tout ce qu’il font alors qu’au bout du compte, les français ne se déplacent pas jusqu’aux urnes.
Si ils abandonnent, eux aussi…
Qui s’occupera de nous ? Marine ?
Vraiment ?
Hé merde !

Mais j’espère que je me trompe.

Marine, ce qu’elle dit, ça ne fonctionne pas.
On ne construit pas par éviction.
Ce n’est pas l’Histoire de la France.
Pour construire un mur il faut les briques et le ciment. Si on renvoi le ciment sous prétexte qu’il est différent : pas de la même couleur, pas fait pareil, pas bien assorti aux briques.
Si on rejette le ciment : comment elles tiennent les briques ? Comment il tient debout, le mur ?
Ne cherchez pas : il s’écroule. Au début les briques s’empilent bien, c’est beau, ça tient. Et arrivé à un certain stade, on avait beau croire que ça collait bien… un souffle et tout s’écroule.
Moi je ne veux pas que mon pays s’écroule en un souffle.

J’ai du mal à comprendre où est la différence entre la France #Charlie et la France #abstention.
L’une qui se mobilise par millions, en moins de 48 heures : pour hurler à la face du monde comme elle défend sa liberté d’expression.
L’autre qui décide de ne plus rien exprimer, sous prétexte que la liberté d’expression : ça sert à rien de toute manière, ils sont tous pourris.
Mais pourtant, comme le crayon : l’urne, dans un pays libre comme la France, est une arme de destruction massive d’oppression.
Mais bon… c’est comme la bombe atomique : tant que personne n’utilise l’arme en question, elle n’est qu’un assemblage de matériaux posée là. Un bout de plastique. Un peu comme un seau… ou un gobelet jaune fluo de chez Ikéa. Un truc pas bien méchant.

Dimanche soir, aux premiers résultats, j’espère que ceux qui n’auront pas été voté auront la décence de se taire. De respecter en silence ceux qui, tout aussi indignés qu’eux, tout aussi désabusés, auront agi. À leur hauteur, comme ils peuvent, sans rester passifs.
J’espère. Et je n’y crois pas vraiment.

Je n’invective pas ceux qui ne votent pas.
Je ne pars pas dans des exposés d’une heure prouvant que le vote, c’est la vie.
Je la ferme. Je respecte leur liberté.
Ce que je ne respecte pas, c’est le devoir que l’on n’accomplit pas. Non. Ma tolérance s’arrête juste avant. Je ne le respecte pas chez les hommes politiques. Je ne le respecte chez personne. Ça marche dans tous les sens.

Mais dimanche, aux premiers résultats des élections, si j’en vois l’ouvrir pour dire qu’ils ont bien fait de ne pas voter « parce que ça ne sert à rien de toute manière » : je risque d’avoir du mal à rester polie.

Mais j’espère que je me trompe.

Du fond du cœur, vraiment… J’espère avoir tort.

Rendez-vous sur Hellocoton !
Partager cette lecture :
Share

20 Comments

  1. Je ne vote pas, je n’en ai pas le droit: je suis étrangère. Au bout de 13 ans en France, ma vie, mes enfants, mon mari sont français, je suis concernée par ce qui se décidera mais je ne peux pas voter. Alors que, déjà les dernières fois, dans mon coin, on dépassait les 40% de bleu marine. Je ne te dis donc pas combien j’enrage de ne pas pouvoir avoir l’illusion de contrer par ma voix ce flot nauséabond, cette ambiance pourrie dans laquelle je ne veux pas vivre ni voir grandir mes gosses.

  2. Anne-Christelle Beauvois

    Merci pour ce post.
    Tellement de gens ne se rendent pas plus aux urnes pensant que cela ne sert à rien. Mais si ça sert. Imaginez si il y avait par exemple plus de 30 ou 40 ou 50% de votes blancs, on serait bien obligé de changer la loi et de les prendre en compte.
    Donc oui, il faut voter !
    VOTER, pour quelqu’un ou contre quelqu’un, pour personne, en vote blanc ou nul. Juste pour montrer que OUI les français s’intéressent à la politique, au devenir de leur pays.
    Parce que la société c’est chacun de nous, pas seulement les autres.

    Pour ma part, je vote et même je dépouille le soir du vote.

    Bonne journée.

  3. dimanche aussi j’irais voter !!!

  4. la mère des grands nains

    Même état d’esprit….. (Mentalo est excusée)

  5. Je vais me faire des ennemies mais je suis de celle qui ne vote pas.
    Parce que justement j’aime la France, je refuse d’être prise en otage par des hommes politiques qui ne sont qu’au service d’eux-mêmes.
    Parce que j’aime la France, je veux pouvoir décider par moi-même et prendre les décisions qui me concernent, dans un système collaboratif et égalitaire.
    Parce que j’aime la France, je refuse ce théâtre politique et rêve d’un autre système pour notre démocratie. Ce sont ces hommes politiques pour lesquels vous allez voter qui sont responsables de la montée de l’extrême droite, je déteste cette culpabilisation des individus.
    Ce n’est pas de ma faute si le FN est là, bien trop présent et dégoulinant de haine à peine camouflée, mais bien de celle de ces hommes politiques, incapables de penser à autre chose qu’à leur pouvoir personnel.

    Je ne vote pas mais je fais plein d’autres choses au quotidien (associations, militance, manifestation …). Il y a d’autre voies que les urnes pour être citoyen.

    • Je suis d’accord avec toi pour dire qu’il n’y a pas que le vote comme acte citoyen. Veiller à ne pas jeter ses déchets sur le trottoir, c’est déjà un acte citoyen, par exemple.
      Par contre pour moi le vote est l’outil le plus puissant de choix et nous avons la chance de l’avoir. Je crois que pour gouverner et réguler 70 millions de personnes, il faut la représentativité : et donc donner notre voix à quelqu’un.
      En même temps, je souffre aussi de ce qu’en font les politiques : ils bafouent ce qu’on leur donne ou, au mieux, peinent à représenter les français. Tous les français.
      Mais si j’abandonne le vote, pour moi c’est comme envoyer le signal fort que j’abandonne mon pays, pas les politiques. Et je n’abandonne pas. Pas encore en tout cas 😉

  6. Versini charlotte

    Aux urnes dimanche !!!! Indignés du 11 janvier, vous la voulez votre liberté d’expression ? Alors on lève ses fesses du canapé, on se croise dans le miroir, on retrouve sa carte d’électeur, et on sort voter ! De toute façon il pleut, les planqués, vous n’avez aucunes excuses 😉 ! Sinon après, faudra pas se plaindre…

  7. Emilie

    Je vote depuis que je suis en droit de le faire, ça me paraît normal, de remplir mon devoir de citoyenne. Certain-e-s ont lutté pour qu’on puisse se prononcer, ailleurs des gens se battent pour obtenir ce droit, alors pour moi c’est la moindre des choses de me déplacer.
    Et c’est vrai que la politique, c’est le sujet à éviter entre amis…

  8. Moi non plus je n’ai pas voté ! Pour voter pour des mecs qui vont toucher 1500€/mois alors qu’ils devraient rendre service à la république et travailler bénévolement, car ces types là sont comme certains sénateurs, ils servent à très peu de chose !
    C’est que mon avis, mais la politique c’est comme tendre sa joue indéfiniment pour se prendre des claques en espérant que celle-ci fera moins mal que la précédente, perso depuis que je vote, je n’ai jamais voté POUR quelqu’un mais CONTRE, et ça me gave !
    Je préfère m’en remettre à mon propre destin…

    • Oui je comprends la déception et même l’indignation que peuvent inspirer les politiques.
      Je ne crois pas en le destin qui se fait tout seul, par contre 😉 Je crois avant tout au choix, pour construire son destin.

  9. Pour la première fois de ma vie je mettrai deux enveloppes dans les urnes, des amis nous ayant donné procuration.
    Je dois avouer que la politique m’ennuie terriblement depuis quelques années. J’ai beaucoup de mal avec le manque de respect dont font preuve ces hommes et ces femmes (pas tous). Je sais très bien que c’est en partie grâce à : cette capacité de force de persuasion, cette prestance à écraser les autres, (ces grandes gueules), qu’ils font leur jeu.
    Mais la France a encore pour l’instant un mode de fonctionnement tel, que l’on se doit d’aller voter. Que ce soir par conviction ou par défaut, allons y.
    Et pitié, empêchons que la France soit gouvernée par la haine, l’intolérance et évitons le repli sur nous même.

  10. le borgne

    Bonjour
    le vote est un devoir et pour cela , il devrait être obligatoire .
    Si tu ne votes pas , ne demande rien à l’Etat – commune – région etc …. ( permis de construire , demande d’allocations diverses et variées sociales et autres , dérogation de je ne sais quoi etc ….)
    Toute personne qui ne vote pas devrait se voir refuser toutes ces démarches .
    Nous voulons le beurre , l’argent du beurre et la crémière mais nous ne voulons pas participer . Ce n’est pas normal .
    Je suis assesseur dans un bureau de vote . J’espère qu’il y aura du monde car si c’est pour s’ennuyer ; je ne sais pas si je continuerai .

Leave a Reply to Mentalo Cancel Reply