Présentation minute : dis-moi qui tu es, j’t’embauche !

Il y a quelques jours, je racontais mon dernier atelier pour chômeurs.

Ce récit passionnant était tout de même incomplet puisque je n’ai pas pris le temps d’y transmettre le grand savoir que j’ai acquis ce jour-là : la présentation de soi, à l’oral.
Ces trois petites minutes durant lesquelles tu dois parvenir à hameçonner l’employeur tel un petit gardon sans défense (pour ceux qui ne savent pas ce qu’est un gardon, lisez plutôt).

La «Présentation Minute», c’est comme la «Clé Minute» chez ton cordonnier : c’est sensé être rapide, efficace, et t’ouvrir toutes les portes.

Elle se fait en cinq points : identité, formation, expérience, compétences, projet.
Mais moi, je vais m’autoriser quelques éléments additionnels qui permettront à n’importe qui de décrocher le boulot de sa laïfe.

Procédons à une petite mise en situation où je servirai de cobaye, afin d’illustrer au mieux cet enseignement indispensable autant qu’extraordinaire.

** Étape 1 : on annonce son état civil.

«Bonjour, je suis Marie Grain de Sel.»

Facile.

Si tu veux le boulot à coup sûr, je te conseille de rajouter que tu ne veux pas d’enfants, mais que tu les adores quand même, que ça n’est tout simplement pas pour toi (parce que si tu laisses entendre que tu ne les aimes pas, tu as l’air d’une grosse méchante et ça inspire la méfiance dans le cerveau de ton interlocuteur).

Précise également que tu aimes beaucoup ton mari mais que tu n’adores pas tellement passer du temps avec lui, qui te détourne si sournoisement de tes engagements professionnels. Si tu n’es ni mariée, ni en couple, annonce que tu souhaites rester célibataire (mais dis-le avec la plus grande neutralité faciale parce qu’au moindre petit sourire, ton interlocuteur pourrait croire à une invitation au sexe, ce qui est très mal venu à ce stade de l’entretien).
Si tu as 40 ans ou plus, là, par contre, dis que tu as des enfants, sinon on va croire que tu as un truc louche (mais par contre, comme pour le mari : dis que tu n’aimes pas tellement les voir parce qu’ils crient trop et qu’ils ont le nez qui coule. Histoire d’avoir l’air prête à donner tout ton temps au potentiel employeur qui se tient en face de toi).

Hin ! Hin ! Hin ! J’crois bien que j’les ai IM PRÉ SSIO NÉS !

** Étape 2 : on raconte un peu ce qu’on a fait comme études/formations.



«J’ai un parcours plutôt atypique mais au final, j’ai un vrai diplôme, c’est trop la classe.»

À ce stade là, ton interlocuteur ne t’écoute pas, il n’en a rien à battre de ce que tu as fait comme études. Ce qui compte pour lui c’est que tu aies déjà travaillé en entreprise, que tu ne sois pas regardant sur les horaires et que tu ne demandes surtout pas (Jamais, tu m’entends ?!!!) d’augmentation (sauf si c’est une augmentation du temps de travail que tu veux). Tu peux donc très bien te permettre de dire ce que tu veux : je suis une «self made woman», j’ai étudié à NYC (en le prononçant «Haine waïl si», pour prouver la véracité de ton propos) ou encore j’ai un Master Professionnel en management des ressources humaines et gestion sociale du diagnostic d’entreprise en réalité augmentée et domotique ( Impressionné ?! Je viens de l’inventer, ne vas pas chercher sur le site de l’ONISEP, ça n’existe pas en vrai).

** Étape 3 : expérience professionnelle

«J’ai passé quatre ans dans ma dernière entreprise. Je suis entrée en bas de l’échelle, je suis montée en grade, tout ça, blabla blibli blublu».

Là, c’est pile poil PAS DU TOUT le moment de rajouter quoi que ce soit.
Genre : «Enfin… 4 ans c’est sans compter mon premier bébé, mon congé parental de 6 mois et la fois où j’ai été arrêtée dix jours à cause d’une bronchite.»
Ou bien «faut-il réellement aborder le sujet de mon expérience professionnelle ? Au fond, jusqu’à présent, ça n’a été qu’une succession de déceptions et de frustrations. Mon expérience est celle du dégout, de la colère, de l’envie de péter la gueule au dernier patron qui a osé croiser mon chemin».
Non… Franchement, ne dis pas tout ce qui ressort de ton expérience. À ce stade de la discussion tu dois donner envie ; or si tu te trouves là, c’est probablement que deux ou trois petites choses, dans ton «expérience professionnelle», ne font pas du tout envie, justement. Ne les abordes pas, conseil de Grain de Sel.

** Étape 4 : compétences et savoir-faire

Ici, on me conseille de me trouver 4 compétences et savoir-faire. Mais «ON» «est un con», d’après les grands intellectuels qui ont croisé mon chemin. Donc je vais m’en trouver trois plutôt sympas et ça ira bien. D’autant que cette partie de la présentation est la plus corsée : il est très difficile de savoir trouver nos plus grandes qualités et les mettre en avant intelligemment.

Donc, personnellement, ma proposition serait :

«Hé bien, la vie, c’est bien connu, est une comédie musicale. Je résumerais donc mes compétences et savoir-faire en trois points. Comme suit :
Ma première compétence est d’avoir l’envie d’aimer, comme dans les Dix Commandements.
Ma deuxième compétence est d’être belle, c’est un mot qu’on dirait inventé pour elle… enfin moi quoi. Comme dans Notre Dame de Paris (par contre modeste, moi, pas trop).
Enfin, ma troisième compétence est en fait un savoir-faire. Mon principal savoir-faire, même, devrais-je dire : celui de faire de toi mon essentiel, comme dans le Roi Soleil. (et là pour être certain de marquer les esprits, je conseille d’ajouter, pour conclure : ) Et Vice Versailles, très cher. »

* Note bien que tu ne pourras construire correctement cette partie de ta présentation qu’en utilisant ce site indispensable.

Bien évidemment, si tu dis ce genre de chose, personne ne t’embauchera. Notons, par contre, qu’on peut également avoir à désigner nos principaux défauts lors de cette étape, c’est courant. Alors je vais donner un vrai bon conseil : je crois qu’il faut qu’on arrête tous de dire que notre principal défaut est d’être perfectionniste. Ça sonne comme si on disait : «Rooo làlà je suis une incorrigible travailleuse trop parfaite ; que c’est dur d’être géniale, merde !».
Bref, ça pue un peu du bec.

** Étape 5 : Projet

Ici, fort heureusement, on me propose une trame pour construire ma phrase.

«Mon projet, c’est de me réaliser dans un poste de… dans une entreprise de … qui développe … types de produits.»

Alors je propose :

«Mon projet est de me réaliser dans un poste de PDG dans une entreprise de type familial (genre : chez moi), qui développe l’amour filial, fraternel ni plus ni moins que l’amour pour le pâté Henaff. Enfin ce type de produits, en somme…»

Mais là, l’idéal serait d’opter pour, au choix :
1/ Une toute autre réponse avec un VRAI projet. Et si vous en avez un, be my guest, comme aiment le dire nos cousins bouffeurs de Christmas Pudding.
2/ Ne rien répondre. Enfin tout sauf ce que j’ai proposé. Parce que ça, ajouté à la tirade un peu louche sur les comédies musicales, ça risque de tout faire tomber en sucette… En tout cas, j’aurais prévenu…

… Bon, quand on lit tout ça on a l’impression que ce billet est un peu traitre : au départ, les promesses d’un avenir meilleur avec plein de travail ; et au final, on réalise que j’ai raconté des conneries tout du long. Soit … Mais je rajoute tout de même que les 5 étapes sont bien réelles et que de savoir ça, mine de rien, ça peut toujours servir …

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10 Comments

  1. Me voilà avec des chansons de comédie musicale dans la tête pour toute la soirée, je ne te dis pas merci.

  2. J’aime ton projet.
    On s’associe?

    • Ha mais c’est pas bête ça ! En plus tu verras : ça ne demande aucune formation (il n’y en a pas, c’est pour ça), par contre il faut une solide expérience de terrain (mais comme mes cheveux ont encore servi de mouchoir toute la nuit dernière et que ça risque d’être encore le cas cette nuit, je considère que j’ai vraiment de la bouteille tu vois).

  3. J’adore ton billet ! En plus le sujet de la recherche d’emploi je l’ai évoqué moi aussi la semaine dernière (décidément, les grands esprits se rencontrent).
    Par rapport à ce que tu dis à la fin, j’ai au contraire aimé la tournure qu’a pris ton billet entre l’annonce hyper sérieuse du sujet et finalement la fin qui part en sucette !!
    Mais là où tu t’es quand même dégonflée c’est sur le « quels sont vos défauts ? », parce que là j’attendais vraiment de voir ce que tu allais écrire… 😉
    Mais tu as raison (et tu m’as bien fait rire) avec ton « arrêtez de dire que vous êtes perfectionniste comme défaut » : c’est tellement vrai, tout le monde dit ça (ou te conseille de dire ça !). C’est tellement galvaudé, c’est le comble de l’hypocrisie !!

    • C’est trop marrant ! Au moment où tu postais ce com, je venais juste de lire ton billet à toi. Du coup je viens d’aller y mettre mon petit commentaire 😉 Merci pour tes tuyaux (sur ton blog). En ce qui me concerne, je n’ai pas encore cerné le sujet des défauts… C’est vrai franchement : on se met en condition pour se vendre à mort et lécher les bottes crottées du mec en face, et là : BIM !!! Faut tout gâcher en racontant nos défauts… Comme je ne vais pas dire « je pète au lit » et « j’aime me curer le nez aux feux rouges », je cherche le défaut « professionnellement correct »… Dès que j’éclaircis la question, j’en fais un billet, promis !

  4. Grâce à toi, je suis maintenant plus que ravie d’avoir rejoint la cohorte des licenciés économiques parce que je sais qu’après un tel apprentissage (et une telle tranche de rire), je ne resterai pas au chômage bien longtemps !!!
    Merci (petite) Marie (je parle de toi, parce qu’avec, ta petite voix….) ! (ouais, c’est pas une comédie musicale mais OSEF)

  5. Je partage sans hésitation. Le fond y est, et en plus dans un style inimitable, bravo !

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