La lettre de rupture de mes rêves

Il m’est arrivé quelque chose d’extrêmement divertissant.
Ça m’a fait comme un appel depuis l’au-delà : j’ai été contactée par quelqu’un qui avait aperçu mon C.V. sur un site d’emploi (enfin, de recherche d’emploi).

À la réflexion, je crois bien me souvenir l’avoir mis en ligne. Moui moui moui. C’était lorsque j’ai repris le travail après la naissance de mon premier bébé. J’envisageais de changer de boîte. Juste comme ça. Pour voir.
À cette époque, d’ailleurs, j’avais été contactée par un potentiel employeur, grâce à ce C.V.

Une agence que je connaissais bien, de réputation, puisqu’elle était l’une de nos plus grandes concurrentes.
Trois entretiens d’embauche eurent lieu.
Dont un où l’on me reçut avec 45 minutes de retard.
Puis intervint un changement d’intitulé de poste dont on me fit part au téléphone, en me proposant de revenir (au début on voulait faire de moi une «chef de projet», puis finalement on trouvait que j’avais davantage la trempe d’une «experte» – whou lolololo ! Moi-même je m’impressionnais).
On me convoqua donc pour un nouvel entretien trop long où l’on passa 90% du temps à me demander combien je voulais d’enfants et si ça ne me «gênait pas de ralentir ma carrière comme ça, JUSTE pour m’en occuper» (aujourd’hui ça me parait encore plus cocasse : tu l’as bien vu ma carrière fulgurante là ???).
Ce à quoi j’avais répondu que je ne m’en faisais pas, puisqu’il me restait 40 ans de carrière et que j’aurais donc tout mon temps pour devenir directrice d’agence de communication. Ce qui était de la pure provocation puisqu’il est évident que je préfèrerais me gratter le fond de l’oeil avec un criterium plutôt que d’occuper un jour ce poste.
Bref, après tout ça, donc, «on» avait décidé, finalement, que le poste qui me convenait le mieux au monde de tout l’univers, c’était chef de projet. Ce à quoi j’avais répondu, non sans plaisir et moult battements de coeur, que je préférais qu’on arrête là les imbécilités. Qu’on avait passé la quasi totalité du dernier entretien à discuter du nombre de fois où il me faudrait une épisiotomie. Qu’il me semblait alors improbable que ces personnes aient pu déceler en moi ni la chef de projet ni «l’experte».
Que l’idéal aurait été que la charmante directrice de cette agence m’oubliât pour toujours.

Moi, en tout cas, j’ai oublié.
J’ai oublié ce site Internet.
J’ai oublié, donc, que j’y avais un compte. Et que mon C.V. était toujours en ligne.
J’ai oublié jusqu’à l’existence de ces personnes ; j’ai même oublié ma poussette canne sur le trottoir (aucun rapport, mais c’est dire à quel point j’oublie, parfois…).

Et puis.

Décembre 2012. Je reçois ce mail rédigé avec grâce et convivialité.
Il provenait de l’Agence Copine (cf ci-dessus).

From : lafillequinesesouvientpasdetoi@agencecopine.fr

Bonjjour, nous avons vu votre annonce sur le site PadjobPourtoi, merci de me contacter car nous sommes en recrutement, bien a vous

Oui, tout comme ça : avec deux «j» à «bonjour» et ce petit ton un rien autoritaire.

Mazette !
Elles s’accrochaient à moi après tout ce temps (mais faisaient mine d’avoir oublié tout notre passif, pour garder la face).
Elles n’acceptaient pas notre rupture.

Il nous en fallait une vraie, de rupture. Du concret.
De l’indéniable.

Un petit sms peut faire l’affaire…

L’occasion était trop belle !

Il fallait que je répondisse (j’ai un Bescherelle, vous savez)

Ce que je fis :

« Bonjour,

je vous remercie d’avoir pensé à moi.
Bien que la façon dont vous formulez la chose laisse penser que c’est moi qui suis en demande…

Il doit s’agir d’une erreur, puisque ce n’est pas une « annonce » que j’ai mise en ligne sur le site PadjobPourtoi, mais mon CV, tout simplement. C.V. dont j’avais oublié l’existence (et je vous remercie car, grâce à vous, je vais penser à le supprimer définitivement).

Ma dernière expérience professionnelle doit vous avoir mis la puce à l’oreille (si vous avez lu mon C.V.) : l’agence dans laquelle j’ai occupé mon dernier poste n’existe plus, vous avez dû en entendre parler (notamment si on considère que certains clients – voire tous – ont atterri chez vous il y a de cela presque un an – voire plus-, au moment où l’agence à commencé à couler sérieusement).

Aussi, si je n’ai pas cherché à me faire embaucher chez vous depuis cet épisode, c’est bien parce que je n’en avais pas envie.
Sinon, vous auriez reçu, il y a bien longtemps, une vraie candidature de ma part (lorsque je me suis retrouvée au chômage, en juillet, par exemple).

C’est peut-être aussi parce que j’ai déjà rencontré Mme Superdirectrice il y a deux ans, à une époque où elle se disait très tentée de m’embaucher. À une époque, aussi, où je n’avais pas du tout été séduite par nos entretiens d’embauche (c’est un euphémisme), et m’étais permis de vous annoncer que je ne souhaitais pas rejoindre vos équipes. Jamais.

Je ne sais pas si vous avez beaucoup de candidats séduits par votre « merci de me contacter car nous sommes en recrutement »; que je trouve, pour ma part, un peu cavalier.

Mais j’utiliserai donc le même langage, pour vous dire, sans animosité : merci de ne pas me contacter comme si j’étais à votre disposition.

J’espère que vous ne prendrez pas ombrage de mon impertinence. Elle n’est pas dirigée contre vous, personnellement. Elle n’est que le luxe des gens comme moi : qui n’ont plus rien à attendre du monde des agences de RP parisiennes, puisqu’ils l’ont quitté pour toujours.

Bien cordialement,

Marie Grain de Sel »

Pour conclure : si vous cherchez un modèle de lettre pour ce genre de situation (ou autres), n’hésitez pas à me contacter. C’est gratuit et jubilatoire.

La prochaine fois : « Lettre de mes rêves à mon banquier qui me prend pour une abrutie ».

Bien cordialement

 

 

PS : je ne peux absolument pas résister à l’envie de partager cette image (cliquez sur l’image pour accéder au site source, bien entendu)

Fallait pas jouer à la plus maline, Céline…

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13 Comments

  1. Tatami

    Tellement jubilatoire ! j’ai hâte de voir si elle te répond…
    J’ai failli verser ma petite larme en lisant : « Elle n’est que le luxe des gens comme moi : qui n’ont plus rien à attendre du monde des agences de RP parisiennes, puisqu’ils l’ont quitté pour toujours. » C’est vrai que c’est un monde que je ne regrette pas du tout non plus. Et quand on les quitte on se rend compte, que contrairement à ce qu’on nous a fait croire, le monde tourne très bien sans eux 😉

    • C’est exactement pour ça que j’ai fini sur cette phrase : je voulais qu’elle sache à quel point il était possible de n’en avoir rien à foutre de ces agences… Et oui c’était jubilatoire. Tu sais, je l’ai fait pour nous toutes ; pour toi aussi. J’ai poussé un peu le cri qu’on voulait balancer à la face de certaines personnes et qu’on a retenu (trop) longtemps

  2. Jubilatoire, c’est le mot !
    J’aime j’aime j’aime !
    (et faudra que tu nous dises si elle répond !)

  3. J’aimerais voir la tête de la fille qui recevra ta réponse !! Tu as bien fait de te faire plaisir. Demandeur d’emploi ne veut pas dire « prêt à tout et à te lécher entre les orteils pour décrocher un job de merde sous-payé ».
    Sur ce, bonssoir.

    • Ouais ou « t’as raison chuis qu’une pauvre merde désespérée, je n’attendais que ton mail de dominatrice. C’était ça ou je me suicidais aux kinder »… Non mais franchement.
      Sur ce ttrès bonnnne soirée 😀

  4. Haa mais donc tu l’as vraiment envoyé ?! Je dois être encore trop gentille, ce mail aurait été mon brouillon n°1, et me connaissant, j’aurais envoyé le brouillon n°2 bien sûr… Mais qu’est-ce que ça fait du bien de pouvoir envoyer bouler ces imbéciles, j’imagine que tu as dû te faire plaisir à lui écrire ta réponse !

  5. flore

    Très jolie lettre bien amusante, le genre de lettre (oops brouillon) que je suis capable de rédiger quand je reçois le refus de trop dans la journée. Cela dit, j’aimerais bien qu’un agence de com’ repère mon cv parce qu’ils sont en recrutement !

    • Merci ! Je te comprends : la recherche et l’attente sont difficiles. Surtout dans ce milieu où on essuie beaucoup de rejets. cependant, mon expérience (genre je suis trop vieille, je connais trop de choses) m’a appris une chose essentielle : une agence qui s’adresse à toi sur ce ton n’inspire pas le bien-être ni le respect. Et je sais de source sûre que cette agence pêche par une très mauvaise ambiance. C’est dur de trouver du boulot dans la com, et par désespoir on finit par ne pas du tout être sélectif. Mais une agence qui t’écrit comme à une merde, il y a de fortes chances que tu n’y sois pas respectée. Donc… ne sois pas triste de ne pas être contactée par des gens comme ça 😉 (je sais, c’est facile à dire, mais tout de même…)

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  1. Tout ce que tu as toujours voulu savoir sur Marie Grain de Sel

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