Précis de survie en milieu hostile : le parent d’élève (oui… encore lui)

Cher lecteur frais et naïf.
Tu te dis que la ville est une jungle, que l’humain est un fauve… et tu crois qu’avec ça tu as fait le tour de la question.
Que tu es armé pour affronter le monde. Les pieds solidement ancrés dans le sol, la tête haute, la mèche au vent.

Hé bien moi je vais te dire, mon lecteur d’amour. Ta «jungle», ton «fauve», tant que tu n’as pas expérimenté l’entrée et la sortie d’école de ton enfant, ça reste de la rigolade. Du Hakuna Matata, à la rigueur. Mais rien de bien coriace.

Je te dis tout ça et, déjà, je te sens qui tremble devant ton écran. Tu as raison. Tremble. Et pleure. Un bon coup.
Puis reprends-toi et lis ce qui suit, ça pourra te servir.

Il s’agit de mon petit précis de survie en situation de dépôt ou de récupérage d’enfants à l’école (Quoi ? «Récupérage» ça n’existe pas ? Ha oui, pfff hihi : «récupèrement», pardon).

Et si tu vois ce panneau, cours sans te retourner jusqu'au Monoprix le plus proche !

Et si tu vois ce panneau, cours sans te retourner jusqu’au Monoprix le plus proche !

Ces dernières semaines j’ai subi sans joie le contact de mes collègues parents d’élèves dans ces doux instants (ironie) du jetage et du repêchage collectif d’enfants. Je me suis demandé : «mais comment vais-je survivre à toute cette énergie négative chaque jour que Dieu fait ?» (enfin… cette phrase-là mais avec beaucoup de gros mots pas jolis jolis que je préfère dissimuler).
J’ai pris le temps, le recul, le calme nécessaire. Puis j’ai élaboré une petite liste.
« Les 6 commandements du gros con », j’ai appelé ça. Histoire de te mettre dans l’ambiance.
Parce que oui, mon ami, pour survivre, il va falloir que toi aussi tu te comportes comme un(e) gros(se) con(ne). Avec tes manières de béni oui-oui, tes courbettes et ton respect des autres, t’es hyper mal barré, je ne vais pas te mentir.

*Suite aux collaborations éclairées des commentateurs de ce blog, ce billet est parti en réédition à la mi-journée. Votre dévouée (moi) a donc pu y ajouter deux points essentiels. Portant ainsi au nombre de 8 les commandements du gros con… et témoignant par la même occasion de l’extraordinaire interactivité de ce support magique : l’Internet Mondial*

Mais lis plutôt. Et prends des notes :

  • La maîtresse tu monopoliseras : automne comme hiver comme printemps comme été… Du lundi au mardi, puis du jeudi au vendredi, tu te planteras dans l’embrasure de la porte de la classe. Tu feras barrage de tes larges épaules ou de ta tignasse endiablée, t’assurant ainsi qu’aucun autre parent ou enfant ne puisse accéder à la classe. Tu emploieras une certaine quantité de minutes à balayer, avec la maitresse, l’ensemble des questions qu’il est légitime pour un parent chiant de se poser à propos de son enfant. Dans ta grande générosité, tu ne limiteras pas ton temps de parole. Tu procèderas de la sorte matins ET soirs (et même le samedi de la réunion parents-maitresses. Qui sera un peu TA réunion à toi tout seul, malgré les 40 autres parents présents dans la classe en même temps que toi).
  • Le passage tu ne cèderas point… Jamais : en arrivant à l’école le matin, tu verras tous ces parents en file indienne, attendant poliment l’ouverture de la porte. Sûr de ta supériorité et de ton bon droit, tu les bousculeras quatre par quatre afin d’être le premier à entrer dans l’école. Parfois, lorsque tu arriveras, les portes seront ouvertes et, déjà, de nombreux parents auront fini de livrer leur colis. Pressés d’aller travailler, ils tenteront de sortir de l’établissement. D’ailleurs, certains autres parents en phase de déposage, comme toi, patienteront devant la porte de manière à céder le passage aux sortants. Mais pas toi. Tu dépasseras tout le monde, jouant des coudes (et des genoux) s’il le faut; ou mieux : poussant ton enfant dans les pieds des gens afin qu’il te fraye un chemin sûr en direction du préau. Et lorsque viendra ton tour de sortir, tu marcheras littéralement sur les derniers parents tentant l’entrée en sens inverse, fidèle à ton principe fondateur : «JE SUIS SEUL AU MONDE ET JE N’AIME QUE MOI».
  • Ton avis tu donneras sur tout : en toutes occasions, tu te placeras au dessus de tout et de tout le monde. Tu auras un avis sur tout, et tu ne manqueras pas de le donner. Qu’il s’agisse de la coiffure de la petite Ginette à sa manière de dire « maicresse » au lieu de « maîtresse ». Même la façon dont les autres mamans font leur créneau sur le dépose-minute te semblera nécessiter une intervention de ta part. Altruiste, tu distilleras sans compter ton jugement, que tu sais supérieur et exemplaire en toutes circonstances.
  • De pudeur, tu n’auras point : durant ces longues minutes que tu passeras à bloquer le passage pour faire le point sur ta progéniture avec la maitresse, tu diras tout, tu ne cacheras rien. Les autres parents sauront tout : des pustules sur les fesses de ton enfant à ses cauchemars assortis de pipis au lit des 6 dernières nuits. Tu n’omettras aucun détail des phobies de ta triste tête blonde, persuadée qu’un «grand méchant chat» vient dans sa chambre la nuit pour lui manger le nez. Tu le raconteras suffisamment fort, de sorte que les autres enfants ne manquent rien et passent à leur tour les 6 prochaines nuits à hurler et réclamer de dormir avec papa-maman parce que le vilain matou «vient leur griffer l’épaule» pendant qu’ils dorment.
  • «Bonjour», tu ne diras point : avec toute la persistance qui te caractérise, tu t’emploieras, matin et soir, à regarder d’un air hagard la maman du meilleur copain de ton fils à chaque fois qu’elle te dira bonjour en te croisant dans le couloir. Tu resteras sourd à son besoin un peu collant de communiquer avec toi ; insensible à ses grands sourires. Mais le jour où tu auras enfin décidé de donner un peu de ta magnifique personne et de saluer cette dame, tu t’indigneras de sa manie soudaine de t’ignorer ostensiblement.
  • Les enfants des autres tu tenteras d’assassiner : il est clair que seuls tes enfants t’intéressent et que le reste du monde t’indiffère au plus haut degré… Voire même : te dégoutte. Ainsi, au volant de ta voiture, tu tenteras quotidiennement d’écraser les enfants des autres. En chemin pour l’école, rien ne t’indisposera davantage que la mère tentant de traverser la route accompagnée d’un enfant marchant et d’un bébé en poussette. Tu essaieras donc de les écraser au beau milieu de leur traversée : pour leur montrer ton importance et ta désapprobation. Une fois que tu te seras délesté de ton enfant, tu prendras la direction de ton travail. Aux commandes de ton bolide grondant d’impatience, tu accélèreras sur tous les passages piétons de manière à exterminer tous les autres enfants en route pour l’école.
  • Ta nicotine tu répandras : ta cigarette de 8h50, tu la chéris du fin fond de ton être. Toute cette nicotine, ce gros goudron qui étreint tes bronchioles avec passion, tu le sais : ça te détend, ça te fait du bien. En voyant chaque matin les enfants s’amasser devant l’école, excités, impatients, instables, tu auras envie de les aider. Ce moment de bien-être, tu auras envie de le partager. Tu veilleras donc consciencieusement à laisser ta cigarette se consumer au bout de tes doigts brunis, juste au niveau des petits visages rougis par le froid et autres poussettes.
  • Le métier d’instituteur tu maîtriseras mieux que personne : au moment où tu es devenu parent, deux expertises te sont tombées du ciel. La pédiatrie, et l’enseignement scolaire. Tu sauras mieux que tout le corps médical ce dont souffre ton enfant. D’ailleurs, en te rendant chez le docteur, tu commenceras toujours par lui dicter le diagnostic que tu auras pris soin de réaliser en amont : entre collègues on s’entraide, c’est bien normal. De même, tu partageras gratuitement avec l’ensemble de tes connaissances équipées d’enfants tes théories pédiatriques dont tu n’accepteras que rarement (jamais, même) qu’on les contredise. Dès lors que ton enfant sera scolarisé, tu pourras enfin dévoiler ton talent de professeur des écoles, option « observateur expert ». Tu n’exerceras pas, car tu auras par ailleurs un vrai métier respectable. Mais tu n’en oublieras pas pour autant de donner ton opinion sur les méthodes des enseignants de tes enfants. Toujours trop ou pas assez. De toute manière, ça ne sera jamais aussi bien que si tu le faisais à leur place

Voilà mon cher lecteur. Je m’en vais, te laissant absorber cet indispensable enseignement qui, tu le constateras avec tristesse, peut également s’appliquer à la vie en entreprise ; voire même à la (sur)vie dans les rues de Paris (il te suffiras de remplacer quelques termes par « passants », « collègues », ou même « bus RATP »).

Avant de te quitter, je me permets cette petite recommandation blogographique, qui, en plus de ce que tu viens de lire, t’aidera à détenir toutes les armes dont tu as besoin pour affronter le monde :

 

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29 Comments

  1. J’aurais pu écrire cela et même rajouter :
    – en attendant devant la porte, tu fumeras, te souciant peu des plus petits à hauteur de ta nicotine dans leur poussette…
    – sur les passages piétons, tu te gareras, pour que la maman nantie de sa poussette et de son enfant scolarisé soit obligé de passer sur la route bien avant…
    – des tas de grossièretés tu lanceras à vois haute et intelligible pour parfaire le vocabulaire des copains de ton enfant qui décidément ne connaissent pas beaucoup de mot…..

    Maintenant pour éviter tout cela, j’ai trouvé une solution (parce qu’en congé parental, je ne suis pas pressée) : j’arrive au dernier moment 🙂

    • Mais oui !!! Comment ai-je pu les oublier ?! Les cigarettes, la voiture garée sur le passage piéton ! Merci, il ne faut pas les oublier, c’est important !
      Moi aussi j’ai trouvé une solution : la garderie ! Le soir, je récupère mon fils entre 17h45 et 18h maintenant (pas QUE pour le plaisir hein, je travaille quand même un peu ;-)) et franchement, c’est coooool !

  2. oups… des copains de ton enfant qui décidément ne connaissent pas beaucoup de motS (et ont une mère qui devrait se relire avant de poster son commentaire 🙂 )

  3. Ouah, ça donne envie dis moi 🙂 Surtout que moi, à la crèche pour le moment (l’école d’avant l’école hein :-), c’est le pays des bisounours : tout le monde cède la place à tout le monde, s’aide, se fait des gâteaux, des bisous, et même des restos entre mamans (je suis dedans hein :-). Bon, on va peut être prolonger la crèche alors 🙂

  4. Tu prêches une convaincue. Je déteste la sortie des classes.

    • C’est la jungle ma pauvre Zaza. La JUNGLE ! Et toi tu dois être trop gentille, j’imagine. Tu fais fausse route : suis mes conseils et tu verras, ça sera super agréable tout d’un coup (quand tu marcheras sur tout le monde)

  5. Il manque les cigarettes fumées et jetées devant l’école et les parents qui critiquent les travaux donnés par l’enseignant sur le thème « oh, ben avec lui (elle) c’est toujours pareil, du boulot, du boulot… » les mêmes qui l’année d’après ont le discours inverse « oh, ben, rien, rien, ils foutent rien avec lui (elle) »
    😉

    • Oui les cigarettes dans la tronche de mon enfant à 8h50 !!! Comment ai-je pu oublier ce grand classique ?! Et tu as raison, j’aurais dû rajouter ce 7e commandement : « Le métier de professeur des écoles tu maîtriseras mieux que personne… Mieux que les professeurs des écoles, notamment ».

  6. Et bien tu vends du rêve. Je m’en serais un poil doutée, parce que comme tu dis, on peut généraliser ces commandements à d’autres situations du quotidien mais vraiment, là, j’ai trop HATE d’y être.
    Ah mais suis-je bête : normalement, ce sont les nounous qui emmèneront les enfants le matin, youhouuu ! Pour le soir, on verra….

    • Pour le soir, ma solution, testée et approuvée : la garderie. Comme les parents vont chercher leurs enfants quelque part entre 16h30 et 18h30, c’est moins concentré. Donc moins pénible 😉

  7. Et un jour, on vote à l’école et alors là faut sortir les boucliers!
    http://lesbertouilles.canalblog.com/archives/2013/02/14/26418343.html

    excellent votre article!!!

  8. rhaaaa c’est trop classe quand ils rentrent au collège et que le gros con disparait de ton environnement. Le même qui se pointe toujours avec des gouters de la mort qui tue quand toi tu as – juste – du pain et du chocolat pour tes enfants
    et j’ai remarqué aussi que c’est le même qui raboule ses potes pour prendre le stand chipo-merguez et faire servir ses copains avant tous les autres

    • Hahaha ! Tu m’as fait pensé à une des mamans : elle fait elle-même des salades de fruits frais à ses enfants pour le goûter. Elle en a 3 dont un tout petit bébé. J’en ai deux, et des gouters industriels… Voilà voilà… Et le coup du stand chipo-merguez (idem pour stand petits fours et stand gâteaux) : un grand classique !

  9. Audwey

    Je vois que tu fréquentes la même école que moi enfin que nos gnomes ;o) Excellent c’est exactement ça avec les gros mots en + ;o) merci pour ce bon moment!!!

  10. C’est vrai que je suis bien contente d’avoir tous ces parents qui m’expliquent comment faire mon métier (la meilleure ? la mère d’un élève de moyenne section qui m’a dit qu’elle savait de quoi elle parlait, son mari est prof à l’université quand même !)

  11. Je ne crois pas que ça me rassure de savoir qu’il se passe la même chose ailleurs… ici parfois c’est tellement l’anarchie niveau circulation que les flics se déplacent!!!
    Tiens, j’avais fait un billet sur les arrivées et les départs aussi http://lithiumma.wordpress.com/2012/12/04/laxistes/

    • Hahaha ! Les flics carrément ?
      Ben la maitresse n’arrête pas de nous dire que c’est à nous d’apprendre à nos enfants à s’habiller et se déshabiller seuls alors c’est pas elle qui me ferait des réflexions 😉
      Mais maintenant que j’ai lu ton billet je réalise que je déshabille mon fils alors qu’il sait le faire seul… Pourquoi ? Aucune idée. À la rentrée je ferai comme toi, je le laisserai faire 😉

  12. Merveilleux. Tu me ferais presque regretter de laisser ma nounou profiter à ma place de ces délicieux moments … Allez, c’est dit, la semaine prochaine, il faut que je pose des RTT.

  13. Clara

    Je rejoins vos commentaires: il faut arriver au dernier moment voire en retard, comme ça on ne croise plus grand monde. Et puis tout arrive: un jours les enfants grandissent et ils rentrent de l’école seuls, un vrai bonheur. Cela dit, je vais encore à la maternelle pour ma dernière et je serai super triste le jour où elle reviendra seule de l’école…
    Quant à moi, je suis hyper speed le soir, donc je fais mon associale et cela me préserve de pas mal de choses (et je me moque de ce que l’on peut dire sur moi).
    Trop fort, le coup du goûter 🙂 Moi aussi, c’est plutôt pain-choc et pas salade de fruit frais ! Bon j’arrête ce commentaire complètement décousu…

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