De l’immersion de moi-même en milieu inconnu : les parents d’élèves

En devenant récemment parent d’élève, j’ai très vite eu la sensation d’avoir gagné le sésame ouvrant des portes qui m’avaient jusqu’alors été fermées. Vers un univers totalement nouveau. Et je me suis d’emblée sentie comme une étrangère : j’ai atterri, un beau matin de septembre, sur une planète avec sa population de parents et d’enseignants répondant à des codes et à un langage bien à eux. Je connaissais la cours de récré, le préau, la cantoche (ouais j’ai un peu fréquenté ce milieu autrefois, quand même). Mais ATSEM – à tes souhaits quoi-, temps médian, rassemblement, APPEEBLRXVGT (ça, c’est l’une des associations de parents d’élèves, je serais étonnée de me souvenir un jour de ce à quoi ces lettres renvoient) sont autant d’éléments de vocabulaire qu’il me faut désormais apprendre à maitriser et à utiliser à bon escient.

Ho oui, ce jour-là j’avais mis cette horrible robe : j’ai marché dessus du pied droit, résultat mon sein a jailli hors de mon décolleté, là haut… Et après je m’étonne d’avoir du mal à m’intégrer parmi les autres mamans…

Quand on débarque là-dedans, on se sent un peu comme la petite nouvelle. Dans ce monde où les primis et les multis se côtoient avec une courtoisie de façade, on comprend vite la hiérarchie des parents d’élèves :

• NIVEAU RAS LES PÂQUERETTES : le parent primipare d’enfant de petite section.

• NIVEAU UN PEU MOINS CRASSEUX : le parent primipare d’enfant de moyenne section. Parce qu’il n’est pas nouveau, ce parent monte d’un cran, mais il ne fait pas trop le fier non plus parce que les moyens ça reste les moyens.

• NIVEAU PASSABLE : le parent multipare d’enfant de petite ou moyenne section. Il a un enfant qui découvre l’école (et il la découvre en même temps que lui, en tant que nouveau parent d’élève, comme votre servitrice bien aimée). Ceci dit, il gagne en crédibilité parce qu’il est affublé d’un deuxième enfant qui porte encore des couches ; et qu’il se galère chaque jour à tenir l’enfant n°2 à bout de bras pendant que, du seul bras libre restant, il déshabille l’enfant n°1 et l’aide à accrocher son petit sac et son manteau au crochet décoré de sa photo (celle de l’enfant, pas celle du parent : ils ont été bien clairs à ce sujet, croyez-moi… oui, certains parents on mis une photo d’eux-même sur le porte manteau de leur enfant, à l’école de mon fils. Ils se sont fait grondé par la maitresse, j’ai bien ri). Bref, on sait qu’il est nouveau, ce parent. Et s’il n’est pas encore vraiment entré dans la bande, ayant plusieurs enfants déjà, il fait tout de même partie de ceux qui savent (ceux qui savent désormais pour sûr qu’ils ne savent rien du tout, si ce n’est qu’il va falloir de longues années avant que leurs nuits fassent de nouveau plus de 5h de sommeil…). Les mamans enceintes durant le premier trimestre sont acceptées en niveau passable (de la même manière que les enfants nés jusqu’au 31 mars de l’année suivante sont acceptés en maternelle ; tout règlement a ses petites souplesses).

• NIVEAU INTERMÉDIAIRE (ou médian, donc) : le parent d’élève de grande section. Il est donc parent d’un «grand» , il connait tout, il a fait le tour de la question, plus rien ne l’impressionne. Ça fait trois ans qu’il se tape les réunions de parents assis sur des chaises miniatures, les peintures d’empruntes de main de son rejeton, les épidémies de gastro-entérite qui touchent 300 enfants en moins d’un après midi… Bref, l’intermédiaire, on ne la lui fait pas, et il en profite parce que l’année prochaine son gamin entre en CP et là, il fera moins le malin…

• NIVEAU BEST OF PARENTS : le parent d’élève qui a plusieurs enfants répartis sur plusieurs niveaux (voire même sur tous les niveaux de la maternelle… si, même que c’est possible). Ce parent d’élève est au plus haut niveau de la hiérarchie scolaire. Au dessus de lui il n’y a que la Directrice et la dame de la cantine (parce que détenant la nourriture, elle détient le pouvoir, c’est normal). Quand on est dans le clan des nouveaux, comme moi (je suis en niveau «passable», je ne me plains pas) on regarde avec déférence le Best of Parent. Ce parent, qui a un enfant en petite section et un autre en grande section, est plus que rôdé : il est tellement au courant qu’il pourrait lui-même faire la classe à tous les autres enfants et même, qui sait, former les institutrices. D’ailleurs, ça n’est pas un hasard si Mme Truc est présidente de l’ APPEEBLRXVGT : sa cadette est dans la classe de mon fils, sa « grande » est en grande section, et elle en a même une autre plus récente et qui porte encore des couches (hé ouais). Mme Truc est une vraie « BEST OF », tout simplement.

• LES PERIPHERIQUES ET HORS COMPETITION : les personnes qui ne sont pas les parents, mais qui sont régulièrement chargées de déposer et/ou d’aller récupérer les enfants à la sortie. Ce sont les grands-mères, babysitter, et autres nounous … Ces personnes sont hors compétition, tout simplement parce qu’on n’en a rien à faire de leur montrer qu’on sait mieux (et tout) et qu’on est des parents bien plus aguerris, vu qu’elles ne sont pas les mères des enfants. Rien à prouver à ces personnes qui sont donc reléguées au rang de bouche-trou bien pratique, attendrissant, et puis les enfants les adorent blablablablabla…

Autant vous dire que je n’ai pas encore compris comment m’arranger de cette hiérarchie et sympathiser avec tout ce petit monde. Je ne sais même pas encore si ça m’intéresse vraiment de faire copine-copine, sachant que je suis tenue de rester dans ma catégorie (détail d’importance). À la rigueur, je pourrais m’entendre avec le niveau «ras les pâquerettes», puisque c’est aussi un peu mon rang.
Ceci dit, plus d’un mois après la rentrée, je commence à fraterniser avec certaines des mamans (de mon niveau toujours, j’insiste hein, c’est important de savoir rester à sa place) avec un talent bien personnel. Mais cela fera l’objet d’un autre billet car, comme en amour, je ne dévoile jamais tout d’un coup.

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