Alors je me dis : c’est compliqué aussi, de revenir écrire. Et puis pour dire quoi ?
Hé bien peut-être, oui, pour dire quoi.
Quoi.
Haha.
(Toujours commencer par une blague, même obscure : ça brise la glace, ça crée du lien.)
Au départ c’était compliqué parce que c’était la fin d’année et j’étais fatiguée (au bord de la capitulation gastrique et avinée tous les soirs : c’était la fin d’année, j’ai dit, et on a bien fêté ça. Ha ça oui !).
Et, très vite, est arrivé le début d’année. Je cherchais une manière sympa de lâcher ici mes traditionnels vœux gorgés d’amour, d’espoir et de reconnaissance, comme les autres fois. Et puis rien.
Et puis la reprise, et puis la fatigue.
Et puis sans que j’y prête attention, sans que j’aie vu venir le coup, voilà qu’on tue les gens. Je n’avais pas fini de vous raconter comme il est beau, comme il est grand mon pays. Que l’optimisme était son moteur, qu’il fallait regarder la lumière. Mouais… Sauf qu’à trop regarder la lumière on se brûle les yeux.
On les a tués, on les a assassinés.
Mes larmes coulaient encore sur la vie arrachée et les valeurs violées… Quand soudain : on m’a volé mon ordinateur.
Forcément, pour écrire, ça compliquait les choses.
On a pris l’ordi, on a pris les appareils photos, on a pris les bijoux. Tablette, disque dur, passeport.
On a fouillé ma maison. On a fouillé mon placard. L’intrusion était dure à digérer, d’autant que pour atteindre les gros bijoux, on avait dû fouiller dans mes petites culottes. Et puis j’étais gênée qu’un inconnu ait vu mon placard, à côté duquel la chambre de mon fils parait bien rangée (hors mon fils ayant 5 ans et ma femme de ménage n’existant que dans mes rêves, sa chambre est un immonde bordel . Bon … Hé bien mon placard, c’est encore pire : j’ai une grave phobie du rangement de placard, je ne le pratique donc qu’en cas d’ultime et indispensable nécessité – jamais).
Je ne voulais plus rien dire, je ne pouvais pas écrire : parce qu’on tue les gens à bout portant, on crie, on frappe, on attaque, on humilie. On enferme, on menace, et on tire encore. Le sang coule. Les larmes aussi. Il n’y avait pas de mots pour ça. Mon optimisme, mes soleils dans les yeux et mes arcs en ciels roses, je ne savais plus où les mettre. Non, à part me les mettre où je pense, je ne voyais pas.
J’ai donc attendu.
Avec toute la France, j’encaissais le coup qu’« on » avait porté. « On » avait déployé du terrorisme pour donner la mauvaise réponse à une question inventée de toutes pièces. Comme si « on » pouvait décider, comme ça, de tuer des gens, de détruire, parce que la France et tous ceux qu’elle abrite le méritent bien.
Hé ben non, « on » ne peut pas. « On » crée de la peur, « on » crée de la tristesse, de la détresse. « On » a créé aussi, sans savoir à quel point, de l’indignation. De la révolte vertueuse, de la voix qui s’élève pour dire : « mais si, nous sommes grands, nous sommes forts, nous sommes ébranlés mais nous restons debout et nous avançons pour construire, nous, pendant qu’ « on » brise tout pour nous soumettre par le désespoir et la haine ».
Tout était allé trop loin.
Tout était trop grave.
J’étais dépassée. J’étais même débordée.
J’attendais de trouver le bon angle, le bon moment, les bons mots.
Je me disais, vous pouvez voler des vies, vous ne prendrez pas LA Vie. La vie qui vous dépasse, qui est plus grande que nous. La vie qui se dresse autour. Parce que si nous restons à terre trop longtemps, nous continuons de prendre des coups. Parce que pour se défendre il faut se relever. Ne jamais rester à terre tant qu’on peut se relever !
Et j’étais bien debout.
Comme je ne savais pas quoi dire, je brandissais tous les lieux communs que j’avais sous la main : « ha ben ça nous fait relativiser nos petits tracas hein », « la vie c’est plus fort que tout » (cf. ci-dessus), « mieux vaut un cambriolage qu’un carnage », « ho ben tant qu’on a la santé… ». Je crois même que j’ai été jusqu’à « on est bien peu de choses ». C’est quand je me suis mise à songer, et plusieurs fois par jour, qu’ils pouvaient bien semer la terreur partout mais qu’ils « n’auraient pas ma liberté de pensée », que j’ai compris qu’il fallait que je me récupère. C’était allé trop loin.
Dans ma tête tournait une pénible rengaine : « on tue des gens, on fait les sauvages, on rentre chez moi dès que j’ai le dos tourné pour piétiner mon foyer. »
Je songeais qu’« on » avait réussi à me mettre suffisamment en colère pour réussir là où tant d’autres avaient échoué : me faire taire.
Pour que je cesse d’écrire.
Peut-être même à tout jamais.
A tout JAMAIS ? Comme dans JAMAIS, JAMAIS ?!!!
Et je me suis souvenue de ce que disait toujours ma prof de philo de terminale :
ON.EST. UN. CON.
Un CON, punaise ! J’avais presque oublié, dites donc…
Une gastro pourrait m’empêcher d’écrire, peut-être même un panaris sur le bout du doigt, ou une très bonne série américaine.
Mais s’il est une chose qui ne m’empêchera jamais d’écrire, c’est bien un con.
Pas même des cons, au pluriel.
Alors ce « on » qui se croyait tout puissant n’a réussi qu’à m’inspirer le plus profond mépris.
J’ai trouvé un ordinateur de dépannage.
Trois terroristes morts. Un cambrioleur arrêté. Tout ça pour ça…
J’ai retrouvé mon calme. Je n’ai jamais perdu des yeux ce pays si grand et si prometteur. Qui n’attend que nous pour continuer d’écrire l’Histoire que nous inventons sur ses valeurs. Même là où d’autres se croient assez forts pour déconstruire en piétinant ce que nous mettons tant d’énergie à bâtir.
J’ai vu la France marcher par millions, obligeant les chefs à courir derrière pour être sur le devant de la photo. Sur la photo d’un peuple qui s’est rassemblé de lui-même comme ils n’arriveront jamais à le rassembler. Je voyais la vie dire « je n’en ai pas fini ». J’entendais ma voix intérieure qui dit « la France est grande » raisonner dans les rues des villes du monde. Je voyais tout ce qui se passait de moche autour de ça, aussi. L’inlassable laideur, l’inévitable crétinerie. Et je m’en foutais. Parce qu’il y avait le reste, qui était tellement plus grand. C’était une question d’échelle, finalement.
Alors je suis revenue. Je ne voulais pas écrire pour me décharger d’un trop plein d’émotions. Je ne voulais pas écrire pour soulager mon incrédulité et ma peine. Je n’écris pas pour guérir. En tout cas pas cette fois, pas encore, non. Pas parce que je trouve ça nul : seulement parce que je n’ai pas envie. Hé oui, c’est comme ça.
Je voulais revenir à moi. Et revenir à vous. J’ai écrit tout ce qui précède, juste pour le plaisir de rappeler combien « on » est profondément con. Et que je l’emmerde. Et que c’était sur cette pensée finalement très porteuse que je voulais commencer mon année.
Et je me suis dit que je finirais en vous disant que je vous souhaite une belle année.
Une bonne année 2015 pleine de tout.
Je ne savais plus quoi vous souhaiter, en ces temps tourmentés.
C’est vrai ça : c’est quoi le signe d’une année réussie ?
Une année sans terrorisme ? Raté.
Une année sans misère, sans chagrins ? Je ne pouvais pas aller dans ce sens parce que je sentais que très vite, j’allais revenir à « tout va bien tant qu’on a la santé ».
Je voulais dire davantage. Je voulais faire plus simple.
En attendant de trouver mon créneau de vœux pour cette année, je décidai de vous dire merci. Pour ces deux ans et demi de blog qui n’avaient de raison d’exister que vous et moi, dans le même bateau. Parce que dire « bonne année » ici, c’est se réjouir, déjà, d’une année entière de billets, de mots. Les vôtres, les miens. Encore une année de blog.
Alors bonne année et bienvenue !
Et puis… après intense réflexion, je décidai, pour tout le reste, de vous dire que s’il fallait souhaiter une chose pour 2015, ça pourrait être ça : rester debout, la tête haute.
Pour voir plus loin. Pour avancer droit devant, au rythme qu’il faudra.
Pour faire la vie là où d’autres ont tant de facilité à la défaire.
Alors je vous le dis, du fond du coeur :
Une très bonne année 2015 à vous, debout et la tête haute, jusqu’au bout !
Et l’appareil photo ?
J’hésite à te dire…
C’est fou comme tu sais rester optimiste (et comme tu l’aimes ton pays, comme tu as de beaux projets pour lui), je suis admirative.
Et puis un cambriolage, merde alors, ça a dû être compliqué à gérer ça :-/
Des gros bisous. Une belle (et haute) année 2015 à toi !
Ouais, je ne fléchis pas facilement 😉
Très belle année à toi aussi : haute, grande, en couleurs et en pas en avant !
Belle et grande année à toi!
Comme dit Pascal « Le meilleur reste à venir » (on a les références qu’on peut…)
Bonne année à toi ! 😉
Qu’il fait bon passer par ici lors de ma pause quotidienne.
« On est un con », c’est donc ça.
Bonne année 2015.
Bonne « reconstruction » après cet (ces) mauvais épisode(s).
Oui, c’était donc ça 😉
Merci beaucoup et très bonne année à toi aussi !
Comme Crevette d’ODouce je passais ici pour ma pause méridienne (ça en jette !) et ton optimisme est communicatif. A toi aussi, une bonne et belle année 2015, la tête haute et pleine d’espoir.
(et purée, t’écris toujours bien….)
Coucou ! J’ai lu ton commentaire pendant mon temps méridien, et j’étais contente 😉 (classe)
Merci beaucoup, beaucoup, et très bonne année !
Alors si ton stylo n’est plus coulé dans le béton ça doit être que le mien va peut-être réussir à en sortir. Pour le moment je publie des trucs écrits « avant » parce que depuis…. Depuis c’est exactement tes mots qui m’étaient venus et dont je loue encore la dignité en direct cette fois ci : « fermeture exceptionnelle ».
Alors bonne année et à bientôt sans nul doute, ON ira tous au paradis non ? 🙂
Oui en fait, il faut parfois du temps pour digérer. Et puis tu verras, c’est agréable de s’y remettre : pas pour oublier ou effacer. Mais pour continuer 😉
Bonne année à toi aussi !
Te voilà revenue en force, debout, grande et majestueuse, et surtout libre… libre d’être, d’écrire, de vivre, de partager…
Que 2015 te soit grandiose Marie ♥
Merci Héloïse ! Excellente année à toi. Pleine d’énergie(s) et de pas vers le soleil 😉