À touriste, touriste et demi

On dit souvent que les touristes sont faciles à repérer dans Paris.
Provinciaux ou personnes venues d’autres pays, il parait qu’on les identifie immédiatement lorsque l’on vit à Paris (et sa région) toute l’année. Qu’on ne voit qu’eux.
On les dit gauches, différents. À porter leurs lunettes de soleil (de touristes) hiver comme été. Toujours le nez en l’air, une carte ou un plan à la main : pour repérer la station de métro qui les mènera droit sur les Champs, la Tour Eiffel ou Roissy. Pour regarder les panneaux, les oiseaux, la Tour Montparnasse.
Et puis surtout, hein : ils ne parlent pas comme nous, il faut bien le dire…

Et un parisien, ailleurs, vous croyez que ça fait quoi ? Ben ça fait un touriste repérable à 20 kilomètres.
Ou bien peut-être n’est-ce que moi ?

J’ai été à Bordeaux. J’y ai passé deux jours. Sur mon front, dans chacun de mes actes, et dès que j’ouvrais la bouche, j’avais bien conscience que ça criait : «GROSSE TOURISTE PARISIENNE» (enfin «grosse»… n’exagérons rien…).
Dès mon arrivée, j’ai trouvé délicieux d’entendre les gens de Bordeaux parler. «Ho le bel accent !» me suis-je exclamée en moi-même, guillerette et pimpante.
Sauf qu’en réalité, ils n’avaient pas d’accent, les gens de Bordeaux. Celle qui avait un accent, c’était moi.
Alors, dès que je parlais, je me disais : «ho là là, l’accent parisieeeeen! T’es pas d’ici toi, ça s’entend tout de suite !». Bref, je me suis sentie hyper exotique et donc, forcément, vachement sexy.

Bordeaux : la ville où je suis trop sexy

Bordeaux : la ville où je suis trop sexy

En arrivant, j’ai cherché mon hôtel. Il était onze heures du soir. Il faisait nuit. Je n’avais jamais mis les pieds à Bordeaux. Je ne connaissais rien ni personne.
J’ai donc fait ce que toute bonne touriste fait en de telles circonstances : je me suis précipitée dans la direction inverse de celle menant à mon hôtel et me suis retrouvée dans une zone totalement déserte et à peine éclairée…
Je me chuchotai alors : «arrête de faire ta touriste et retourne vers la civilisation si tu ne veux pas te retrouver dans les faits divers de Sud Ouest demain matin» (exemple : « Une JEUNE parisienne de même pas 30 ans à l’accent clairement pas de chez nous a été trouvée ce matin à 5h, errant, hagarde, dans la zone industrielle de Bègles. Elle affirmait ne pas savoir comment elle était arrivée là ; a déclaré n’avoir fait que marcher, depuis Bordeaux Saint Jean, à la recherche de son hôtel, qui se trouvait pourtant juste en face de la sortie de la gare»… Marie Grain de Sel, pour vous servir).

Je vous passe sur l’hôtel miteux, la chambre située à l’étage fumeur (question, tout de même, au passage : est-ce seulement autorisé, en 2013, d’avoir encore ne serait-ce qu’un étage fumeur dans un hôtel ?), les cheveux bruns de quelqu’un (mais pas moi) trouvés dans la douche… Je ne connais pas Bordeaux mais je sais quel hôtel je ne recommanderai absolument pas…

Puis vint le matin. La douche en compagnie de cheveux étrangers, le petit déjeuner ou je me suis tue pour qu’on ne remarque pas trop mon accent.

Je devais ensuite prendre le bus. Je voulais faire semblant de savoir ce que je faisais. Gommer un peu mes dehors d’étrangère. Faire le caméléon qui gère son affaire…
J’ai acheté ma petite carte de bus, ce qui fait quand même assez touriste : puisque si on est du coin, on a déjà sa carte à plusieurs unités, en général. Mais à ce stade je pouvais encore me faire passer pour quelqu’un qui se déplace habituellement en voiture et qui là, parce qu’elle a un rendez-vous qui change de son itinéraire habituel, a décidé de prendre le bus pour savourer un petit bain de foule.
Sauf qu’il m’a fallu 3 minutes pour composter ma carte : je crois l’avoir tournée dans toutes les positions possibles (sans jamais trouver la bonne, bien sûr), jusqu’à obliger le chauffeur à intervenir. Plus touriste, tu meurs.
Et puis j’ai rêvassé tout le long du trajet. Si bien que j’ai fini par me lever en sursaut pour dire au conducteur : «excusez-moi je rêvassais. On a déjà passé mon arrêt ?». C’est limite s’il n’a pas dû me prendre par la main jusqu’à l’arrivée.

Je suis descendue (au bon endroit, heureusement). Je savais que je n’étais qu’à cinq minutes à pied de l’endroit où je devais me rendre. Tranquille.
J’ai alors fait ce que toute bonne touriste fait en de telles circonstances : je me suis précipitée dans la direction inverse et me suis retrouvée à l’autre bout de la ville. Oui… parce qu’au bout de 20 minutes de marche, j’ai senti que quelque chose n’allait pas. (je note au passage que j’ai vraiment un schéma de comportement me poussant à toujours aller dans la direction opposée à la celle que je devrais prendre. C’est à méditer).

Cette petite escapade totalement spontanée m’a permis de noter que j’avais mis les bottes les moins adaptées à la marche à pieds… Et qu’il faisait bien plus doux, à Bordeaux (parce que c’est carrément plus au sud). J’avais mis les bottes les moins adaptées au printemps.

J’étais une parisienne sortie de son milieu naturel (ville, hostilité, pollution, gelées de mars…).
J’avais un accent, je transpirais des pieds (et des mollets aussi, du coup), je ne savais pas où j’étais…
Ce que j’ai pensé alors, dans mon désarrois, c’est que lorsque l’on vit à Paris (et sa région) toute l’année, où qu’on aille, ça se voit…
Une fois que j’ai retrouvé mon chemin, que tout est rentré dans l’ordre, j’ai vraiment apprécié cette virée à Bordeaux. Oui, j’ai toujours beaucoup de plaisir à me retrouver dans ces régions où les automobilistes n’essayent pas de m’écraser lorsque je traverse la route. C’est terriblement exotique.

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3 Comments

  1. Tu m’as bien fait rire !

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