Psycho : ce que ça cache (mieux comprendre la réflexion con)

Depuis quelques années, autour de moi (et moi comprise), tout le monde s’est mis à avoir des enfants. Je patauge gaiement dans la sphère parentale : que ce soit dans le privé, au travail et même via ce blog.
Il y a quelques temps, j’ai été frappée de constater combien nous aimions parler des différentes remarques qui nous sont faites, dès lors que nous devenons parent. Nous les comparons, les notons, en parlons pendant des heures : c’est à qui aura eu droit à la réflexion la plus con sur la grossesse, la parentalité, les enfants.

Je peux vous dire que ces derniers mois, avec mes copines blogueuses, nous nous sommes fait plaisir à aborder le sujet.

À force d’en parler, j’ai réalisé qu’il ne fallait pas laisser toutes ces remarques en suspens, sans approfondir un peu la chose.
Je pense à toutes ces fois où nous affichons un sourire plus ou moins figé ; alors qu’au fond de nous-même, nous aimerions répondre : «Ta gueule». J’en suis fort triste, voyez-vous. Car ceci est de la mauvaise communication.
Je crois qu’il faut dédramatiser tout ça.
Et si aucune de ces réflexions crispantes n’était anodine ? Si les gens avaient besoin d’exprimer quelque chose de bien plus profond, mais ne parvenaient à le faire qu’avec maladresse ?
En tant que grande professionnelle de la communication et coach de haut vol, je me dois de vous offrir une autre voie que celle de la violence verbale (ou physique).

J’ai rassemblé pour vous une sélection de remarques à la con. Et je vous en offre une analyse qui nous permettra à tous de les accueillir avec tolérance, bienveillance et amour.

Avançons sur la voie de la paix :

* «Hey ! Mais tu ne serais pas enceinte toi ?!»

Circonstances : la personne vous connait bien. Vous lui avez annoncé votre grossesse il y a déjà 2 mois, lorsque ça ne se voyait pas encore.
Maintenant ça se voit.

Ce qu’il/elle a voulu dire :
«Ho fichtre ! Soudain tu te révèles à moi dans toute la rondeur de tes atours. Je suis ému mais je gère mal l’émotion de te voir si épanouie alors je te propose cette blague idiote et ris grassement pour qu’il n’y vraiment aucun malaise»

Psycho, ce que ça cache : ton interlocuteur oscille entre une admiration pour ce que tu représentes en tant que femme enceinte et un désir fou et irrépressible, qu’il ne comprend pas lui-même. Bref, il a du mal à appréhender ton nouveau physique. Tout comme toi, finalement…

www.mariegraindesel.fr_remarques
* «Encore ?!!!»

Circonstances : tu viens d’annoncer n’importe quelle grossesse sauf la première (donc la 2e, la 3e, etc. ).

Ce qu’il/elle a voulu dire :
«Punaise qu’est-ce que tu baises ! »

Psycho, ce que ça cache : ton interlocuteur oscille entre jalousie, désir fou, et crainte extrême que tu lui demandes un jour de garder TOUS tes enfants. Ce flot soudain d’émotions contradictoires le perturbe. Il/elle a du mal à faire le tri dans le bouleversement que provoque en lui l’annonce de ta nouvelle grossesse.

* «Il faudra que tu te protèges après !» (variante de la précédente)

Circonstances : ta mère vient d’annoncer à sa voisine (qui ne te connait pas, bien entendu) que tu attendais ton 3e enfant (ceci est un cas réel et récent, vécu et proposé par ma chère Zaza).

Ce qu’il/elle a voulu dire :
version simple, la personne a voulu dire «Punaise qu’est-ce que tu baises ! » (cf. plus haut)
Si on creuse un peu, en fait, ça veut dire : «Mais cette femme n’a-t-elle donc aucune retenue pour tomber ainsi enceinte à tous bouts de champs ? Nous ne sommes pas des animaux, que diable ! La contraception, ça existe, Madame !»

Psycho, ce que ça cache : cette personne a une notion du temps toute personnelle qui fait qu’elle croit que ta dernière grossesse date de septembre dernier, alors que ton dernier enfant est né il y a déjà 3 ans.
OU BIEN
Cette personne croit que tu ne fais pas exprès de tomber enceinte. Elle s’inquiète profondément pour toi et tous ces enfants que tu mets au monde par inadvertance. Vu sous cet angle, sa remarque pourrait t’être bien utile, je l’admets : la contraception, tu vas voir, c’est miraculeux

* «Dis donc, tu lui donnes quoi à manger ?» (variante «Dis donc, il/elle ne fait pas pitié hein !» – en parlant du bébé)

Circonstances : tu viens d’apparaitre, bébé dans les bras, face à un oncle / une tante /un(e) cousin(e) / le voisin de ta grand-mère, qui ne vous avait pas vu depuis quelques semaines, voire quelques mois. Le bébé a entre 5 mois et 2 ans lorsque survient cette interjection.

Ce qu’il/elle a voulu dire :
«En sept petits mots, ma pauvre enfant : O BÉ SI TÉ IN FAN TILE ! N’as-tu pas honte d’exposer ton enfant au risque cardiovasculaire dès son plus jeune âge ? C’est quoi son IMC, qu’on fasse le point ? Tu connais Dukan ?…»

Psycho, ce que ça cache : ton interlocuteur lit assidûment ELLE et Cosmo. Il/elle a bien compris que ces dernières années, les bourrelets étaient passés du statut d’attraits disgracieux à celui de crime contre la mode et l’humanité toute entière. Il/elle accepte très mal qu’on trouve ça adorable chez ton bébé alors que la société n’a de cesse de lui faire comprendre que les rondeurs, chez lui/elle, c’est tout bonnement dégueulasse.
OU BIEN
Ton interlocuteur a faim, et oscille entre son envie de chips et un désir irrésistible de croquer les bras dodus de ton bébé. Sa difficulté à gérer ces émotions d’une violence extrême l’empêche de s’exprimer de manière adéquate.

* «Houuu mais dites donc, ils sont tous à vous ?»

Circonstances : une personne te croise en ville (dans un commerce, à la poste, au feu rouge). En général, il s’agit d’un inconnu que tu n’as jamais vu et ne reverras jamais. Interjection réservée à ceux qui ont 3 enfants et plus. Et qui osent les sortir en public, dans leur totalité.

Ce qu’il/elle a voulu dire :
«Punaise qu’est-ce que vous baisez !» (en ce sens, «ils sont tous à vous» est une variante postérieure du «encore?!»… Vous allez trouver ça redondant, mais en psychologie moderne, vous savez, le fond du problème c’est toujours le sexe)

Psycho, ce que ça cache : ton interlocuteur était enfant unique. Ou bien il/elle n’a eu qu’une sœur, moche et terriblement méchante, qu’il/elle détestait. Et il/elle en est resté traumatisé à tout jamais.
OU BIEN
Ton interlocuteur a besoin d’une petite partie de jambes en l’air.
OU BIEN
Ton interlocuteur est affublé de 2 enfants (seulement) absolument insolents et bruyants. Ta portée de 5 se tient admirablement bien en public, elle. Ton interlocuteur oscille donc, tout naturellement, entre admiration et jalousie (et l’envie de te laisser les deux siens au passage, puisque tu sais si bien «tenir» tes troupes). Cette confusion le/la pousse à de la maladresse verbale.

* «Il fait ses nuits ?»

Circonstances : toutes, de la réunion de famille au rendez-vous client, en passant par le passage au guichet de la Poste.

Ce qu’il/elle a voulu dire :
« Est-ce que ton bébé dort la nuit ?» (j’avoue, celle-ci est assez transparente)

Psycho, ce que ça cache : ton interlocuteur ne sait pas quoi te dire.
Dans 99% des cas, lorsque les gens ne savent pas de quoi te parler, il te posent cette question-là. Au fond, il/elle se fiche de ta réponse. Et c’est bien normal, puisque nous avons ici affaire à l’un des plus grands mythes de l’humanité : l’enfant qui fait ses nuits.

Variante fréquente : ton interlocuteur a un bébé de 3 mois qui ne s’endort pas avant 23h17 et se réveille toutes les heures de 3h à 8h du matin. Il/elle est donc à cran. Ton bébé à toi a un an. Ton interlocuteur veut, jusqu’au fond de ses tripes, que tu lui répondes que ton enfant «fait ses nuits» : pour espérer, pour avoir un espoir auquel se raccrocher, y croire encore…
Dans ces cas-là, je conseille de donner la seule réponse plausible : «non». Parce que mentir ne rend service à personne.

* «T’as pris combien de kilos ?»

Circonstances : toutes, de la réunion de famille au rendez-vous client.

Ce qu’il/elle a voulu dire :
cette question peut être interprétée de trois manières différentes.
Venant d’une femme, elle peut vouloir dire «t’es enceinte de 6 mois et t’es encore hyper mince, connasse !» ou «t’es enceinte de 6 mois et t’es encore hyper mince, tu es mon modèle».
De toute autre personne, elle peut aussi vouloir dire : «Dis-donc t’as pris cher toi ! Et t’es enceinte de combien ? 3 mois ? Outch !…» *grimace*

Psycho, ce que ça cache : ton interlocuteur découvre tout juste qu’en fait, chez toi aussi la grossesse implique quelques changements physiques. Du coup, il fait comme tout le monde, de l’entièreté du corps médical à la voisine (et pourquoi pas : la gardienne) et te prend pour ce que tu es désormais : un projet scientifique. On ne te décrit plus par ton prénom, la couleur de tes yeux ou de tes cheveux. Mais par la longueur de ton col (et je ne parle pas de chemises…), ton poids, ton tour de (gros) bide et la date de tes dernières règles.
Il ne faudra pas longtemps avant que ton interlocuteur s’enquière de tes vergetures. Tiens-toi prête (d’autant que certains veulent voir et/ou toucher).

* « C’était voulu ?» (variante olé-olé : «c’était un accident ?»)

Circonstances : question généralement posée au moment de l’annonce (de la grossesse et/ou de la naissance de l’enfant). Survient de préférence avant toute déclaration d’enthousiasme ou félicitation. Car cette question est, pour certains, très importante.
Plus le nombre d’enfants augmente, plus la question est susceptible d’être posée.

Ce qu’il/elle a voulu dire :
Pour les grossesse n°1 et n°2 : «Ha tu aimes les enfants, TOI ?»
À partir de la 3e grossesse, lorsque cette question survient, elle veut dire : «Ha tu as décidé sciemment d’avoir 3 / 4 / 5 / 6 enfants ? J’ai toujours su que tu étais un peu à part, marginale : une vraie Hippie… Flower Power sister !»

Psycho, ce que ça cache : ton interlocuteur regarde beaucoup de séries américaines. Il a vu tellement de scénarios différents de grossesses (et tous plus les créatifs les uns que les autres), qu’il a perdu son sens de la simplicité. Dans son monde virtuel, Jessie, jeune lycéenne de 15 ans, tombe enceinte en même temps qu’elle perd sa virginité. Il lui faut trois épisodes pour annoncer la nouvelle à Tyron (18 ans, en prison pour vol de scooter). Et 3 épisodes supplémentaires pour qu’elle décide que, finalement, elle va garder le bébé. Ses parents, qui étaient en instance de divorce, ont été réunis face à cette épreuve. Ils ne divorcent plus mais on viré Jessie, qui a donc décidé de s’installer dans le garage des parents de sa copine Amy…
Toi tu débarques, à 30 ans, avec ton bébé voulu et «planifié». C’est plat et sans saveur : ton interlocuteur est frustré.

* « Et le papa est au courant ?»

Circonstances : question généralement posée au moment de l’annonce (de la grossesse et/ou de la naissance de l’enfant). Survient de préférence avant toute déclaration d’enthousiasme ou félicitation. Car cette question est, pour certains, très importante.

Ce qu’il/elle a voulu dire, 2 possibilités :
« Ton mec voulait un enfant lui aussi, ou tu lui as fait ‘dans le dos’ ?»
OU BIEN
« Et le père, c’est ton mari ou bien..?»

Psycho, ce que ça cache : ton interlocuteur regarde beaucoup de séries américaines. La multitude de scénarios de grossesses qu’il/elle y a vu a attisé son goût pour le scandale. Il y a eu la fois où Samantha a attendu 5 mois avant de dire à Steven qu’elle était enceinte : parce qu’il lui avait toujours dit qu’il ne voulait absolument pas d’enfants et que, du coup, elle avait tellement peur de le perde !
Puis la fois où Kelly a eu 2 mois de retard de règles et qu’elle ne se souvenait plus si c’était avec Mark ou Keith qu’elle avait fini la nuit, à l’issue de cette fameuse fête très (trop ?) arrosée d’avril, chez Ginger. À la naissance, le bébé sort tout noir. Alors que Keith et Mark sont blancs de peau. Kelly recouvre la mémoire et comprend alors que le père, en fait, c’était Jason.
Au fond, ton interlocuteur aimerait que tu lui confies que tu ne sais même pas qui est le père. Ta banalité le frustre.

Voilà ce que j’ai à proposer pour aujourd’hui. Mais si vous avez des suggestions de remarques idiotes et récurrentes, n’hésitez pas à me les soumettre : je vous fournirai mon analyse.
Admettez tout de même qu’en apprenant ainsi à comprendre la profonde psychologie des gens, on gagne en indulgence.

Ps : merci aux blogeuses Zaza, Miléna, Caro, Chris pour les suggestions et les conversations rigolotes sur ce sujet ô combien scientifique (Ai-je oublié quelqu’un ? Dites-moi !)

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20 Comments

  1. LN

    Excellent billet! Merci pour cette barre de rire!!

  2. fa

    Excellent billet !
    Un gars que je ne connaissais que très peu et qui voulait dire quelque chose (mais quoi!), m’a demandé à la naissance de mon premier <> La question qui tue !

  3. Ce billet est d’utilité publique et le monde entier doit le ire bon sang ! Excellent !

  4. J’adore – ça, c’est de l’analyse 😀 !

  5. Très drôle et si vrai ! J’ai eu une variante de « c’était un accident ? » : « la contraception, ça existe, et l’avortement aussi. » J’entamais mon quatrième mois, j’ai changé d’amis, c’est susceptible une femme enceinte !

  6. Dis-donc, tu serais pas enceinte ? C’est le genre de blagues un peu pourries qu’on se fait entre copines… Et ça nous fait bêtement rire…
    Pour le reste, c’est tellement vrai !
    Moi j’aime qu’on me demande si elle dort. Parce qu’elle dort. Alors je crâne. Oui messieurs-dames, elle fait 19h30-8h sans réveil.
    Et les remarques relous, en vrac :
    – de 2 mois à 12 mois : « oh, elle bave/met tout à la bouche/suce ses doigts : elle fait ses dents ». Ou pas.
    – de 2 jours à 14 mois (on en est là, c’est sans doute pas fini) : « elle va les garder ses yeux bleus, c’est sûr ! ». Mais qu’est-ce qu’on en a à foutre ??? Les gens aux yeux marrons ont une vie moins facile ?
    – et celles de ces derniers mois qui nous a paru être du harcèlement : « tu lui achètes quand des chaussures ? » Avec des variantes mais toujours avec le mot-clé chaussures. La réponse étant : quand elle marchera. (Ou Ta gueule) (mais je reste polie) (c’est ma mère)

    • Haaaa ! Je suis en plein dans le « c’est quand qu’elle maaaaarche ? » (dont une personne qui a fait une recherche sur le Net pour vérifier que ma fille n’était pas attardée de ne pas se mettre debout à 10 mois…). La variante pour les yeux, chez moi, ce sont les commentaires sur la couleur des cheveux : « ils vont foncer », « ils vont blondir ». C’est au choix, suivant l’humeur.

  7. Tu traduis mes pensées Marie, on se comprend, je me faisais la même réflexion hier soir coincé entre une femme enceinte et un père d’une gamine de 4 ans… Heureusement pour moi qu’ils n’ont pas arrêté de vivre pour leurs gosses je me ferais bien ch…!

  8. Mère Blabla

    J’ai moi même commis une infâme bourde sous le coup de la surprise. Quand ma voisine m’a appris que sa fille de 19 ans était enceinte d’un air abattue, j’ai dit (authentique): « Ah! Et elle sait qui est le père? ». Oui, oui. N’importe quoi. Donc oui elle savait. Et ils sont toujours ensemble. Incredible. Le plus incroyable étant que la voisine me parle encore et ne s’est même pas vexée!

  9. childfree64

    Sans vouloir vous offenser, parfois ce n’est même pas « holala mais qu’est ce que tu baises » que les gens vont penser mais « putain qu’est ce que tu ponds ». Ce n’est carrément pas la même chose!

    • « qu’est-ce que tu ponds » c’est ce que les gens disent, en vrai (vécu). « Qu’est-ce que tu baises » : c’était imaginer, en riant, ce que les gens pouvaient penser sans le dire.
      Je ne suis pas offensée, bien au contraire ! Prendre le temps de lire mon blog et de laisser 3 commentaires d’un coup alors que vous ne vous reconnaissez pas toujours dans ce que j’écris, c’est flatteur !
      C’est la première fois que vous faites un tour par ici, je crois. Et j’espère que vous reviendrez (peut-être pour un commentaire positif ?) à très vite !

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