Chers voisins

À l’heure où je m’apprète à les quitter, j’ai un pincement au coeur en pensant à mes voisins.

4 ans que nous partageons… tant de choses…

Il y a eu les vingt-six premières fois où nous nous sommes garés dans l’enceinte de l’immeuble. Où, notre voiture de l’époque étant immatriculée dans le 91 (alors que par chez nous, c’est le 92), ils nous avaient pris pour des étrangers. Il y a eu, donc, les vingt-cinq papiers de rappel à l’ordre glissés sous les essuie-glaces lorsque nous ne regardions pas. Puis le vingt-sixième : qui fut retourné à son dépositaire, agrémenté de quelques mots doux soigneusement formulés par votre servitrice.

Il y a eu cette première conversation de voisinage, au moment de notre emménagement, alors que nous recevions une livraison de meubles et que le camion était garé dans la cour. J’avais cru, à l’époque, que monsieur mon voisin était de mauvaise humeur. Pour le mettre de meilleure humeur, je lui avais dit qu’il avait raison : que j’aurais dû porter mes meubles moi-même depuis ikéa. Que le fait d’être enceinte de 6 mois n’était pas une excuse. Que la jeunesse d’aujourd’hui était bien fragile en effet.

Mais en croisant régulièrement ce voisin depuis 4 ans, je constatai qu’il était perpétuellement fâché. Or le camion et les meubles n’étaient plus dans le chemin, et je n’étais pas enceinte si souvent que ça, finalement… J’ai donc compris que les cris et l’agressivité étaient son mode d’expression des jours où tout va bien. Dès lors que je fis cette découverte essentielle, nous nous sommes très bien entendus : je lui faisais de grands sourires, il me criait «bonjour» en fronçant les sourcils.

Il y a eu le cadavre du rez-de-chaussée. Ce charmant Monsieur qui vivait seul. Qui ne s’entendait pas avec la dame du 2e. Je les entendait souvent se disputer dans le hall, dans la cour, dans la rue, ou se hurlant à la face par balcon interposé.
Il y eut ces mois d’automne où nous le voyions changer. Sentant l’alcool dès le matin. Il semblait s’effacer petit à petit, derrière son regard bleu givré. Absent. Il avait l’air timide, gentil, blessé. Il s’éloignait, il coulait. Ça ne s’annonçait pas bien.
Puis il y eut ce retour de vacances, où la gardienne me raconta comment elle s’était inquiétée de ne pas avoir vu le monsieur pendant plusieurs jours. Que, finalement, on l’avait retrouvé étalé sur le sol de sa cuisine. Mort.

Que les pompiers et la police avaient passé la journée sur place. Que ç’avait été une bonne chose que nous ayons été absents et que les enfants n’aient pas vu ça…

Il y eut toutes les semaines qui suivirent. Où je ne pouvais plus entrer dans l’immeuble sans penser à cet homme, mort sur le sol froid de sa cuisine, un 11 novembre. Le foie débordant d’alcool. Si seul qu’il avait fallu 3 jours pour que quelqu’un le retrouve. Que ce quelqu’un, c’était sa mère, assistée de la gardienne : les seules personnes de sa vie.

Il y a ceux qui sont arrivés le ventre rond, porteur des joies futures d’une famille en pleine construction. Comme nous.

Il y a ceux qui étaient enfants. Qui sont aujourd’hui des ados, avec tout l’attirail : la voix qui déraille, les copains qui viennent rigoler très fort le mercredi midi, le t-shirt de travers et, bien sûr, l’indispensable mèche.www.mariegraindesel.fr_chersvoisins

Il y a la voisine du dessus (la fameuse). Qui avait fait claquer toutes les portes de son appartement, cette fameuse nuit où le grand bébé grain de sel avait une double otite et souffrait (et donc : hurlait, c’est vrai). Qui avait ensuite appelé la propriétaire (la notre) pour dire que, tout de même, nous faisions un sacré bruit !

Chez qui je m’étais retrouvée en pyjama, à minuit, pour lui dire de baisser le son de la télévision. Qui trouvait ça tellement sympathique de ma part d’avoir pris la peine de monter (en pyjama) pour le lui dire en face, qu’elle m’avait fait visiter les lieux. Et avait entamé une (longue) conversation (et moi, j’étais pieds nus. En pyjama, j’insiste).

Qui n’a jamais baissé le son de sa télé. Qui croit probablement qu’au fil des ans, nous sommes devenus aussi sourds qu’elle. Alors qu’en fait, nous l’entendons comme si elle était dans la chambre avec nous (c’est pas super sexy).

Il y avait les voisins du dessous. Qui se disputaient très fort. Et, le lendemain, se réconciliaient en redoublant d’enthousiasme. La demoiselle était très expressive et avait la voix forte. Et puis il y eut la fois où ils se disputèrent plus fort que d’habitude. Si fort que je pourrais vous restituer en détail ce qu’ils se dirent. Cette fois-là, ils n’y eut pas de réconciliation par l’orgasme multiple. Il partit. Elle rencontra un nouvel homme. Nous étions un peu perdus.

Enfin, il y avait la gardienne. De qui j’ai appris tout ce qu’il y avait de plus intéressant à savoir sur l’ensemble du voisinage. À qui j’ai pris soin de raconter quelques petites choses sur nous-même également, pour qu’elle ait le plaisir d’aller le raconter aux autres habitants de la résidence (on appelle ça «un prêté pour un rendu», my friends).

Mes chers voisins, quand je pense à eux, ça me fait quelque chose. Tous ces bruits, toutes ces disputes, tous ces drames, toutes ces agressions verbales de si bon matin. Je me suis disputée avec eux (et j’ai crié, ouais, je peux vous le dire, j’ai crié. Faut pas me chercher non plus hein). Nous avons eu des conversations courtoises, amicales. Des bonjour échangés à la volée. Des regards de travers.

Des bruits d’aspirateur à 11 heures du soir ET entre 14h et 16h le samedi : l’heure de la sieste des enfants.

Mes chers voisins, quand je pense à eux, j’ai envie de leur laisser un mot d’adieu….

CHERS VOISINS. NOUS PARTONS. OUI, NOUS VOUS QUITTONS.
BYE BYE LES GRAIN DE SEL. ON SE CASSE.

VOUS N’AVEZ PAS MANQUÉ DE NOUS FAIRE SAVOIR COMBIEN LES CRIS-PLEURS-RIRES DE NOS ENFANTS VOUS DÉRANGEAIENT.

VOUS AVEZ EU LE PLUS GRAND MAL À NOUS ADRESSER LA PAROLE SANS CRIER-MENACER-GRIMACER.

NOUS APPRÉCIONS VOTRE NATUREL. VOTRE FRANC PARLER. VOTRE PASSION.

MAIS VOUS N’ALLEZ PAS NOUS MANQUER.

MADAME AU 2è, NOUS ENTENDONS VOTRE TÉLÉ COMME SI VOUS ÉTIEZ DANS NOTRE SALON. C’EST TROP BALLOT.
EN 3 MOTS, POUR VOUS : CASQUE D’ÉCOUTE.

MESSIEURS-DAMES DU RDC : NOUS SALUONS VOTRE ENTHOUSIASME POUR LES CHOSES DU SEXES. NOUS AIMONS BEAUCOUP ÇA NOUS AUSSI. AUJOURD’HUI NOUS SAVONS QUE VOUS FAITES ÇA TOUS LES MARDI, JEUDI, ET DIMANCHE. AINSI QU’APRÈS CHAQUE DISPUTE. BREF : NOUS EN SAVONS TROP SUR VOUS.

MESSIEURS-DAMES DU 1er : C’EST VRAI QU’UN ENFANT DE 3 ANS QUI SE PREND POUR LE CAPITAINE CROCHET, ÇA CRIE TRÈS FORT. MAIS ÇA NE TUE PAS. LA NICOTINE DE VOS CIGARETTES QUI VOLE DANS NOTRE SALON, PAR CONTRE, PEUT POTENTIELLEMENT DONNER UN CANCER À TOUS LES MEMBRES DE NOTRE FAMILLE (EN PLUS DE VOUS). VOILÀ DE QUOI MÉDITER EN NOTRE ABSENCE…

ENFIN, À TOUS, NOUS N’AVONS PAS TELLEMENT APPRÉCIÉ DE PARTAGER VOS BRUITS, VOS ODEURS. AINSI QUE NOS BRUITS ET NOS ODEURS (CAR NOUS SOMMES PUDIQUES, FINALEMENT). MAIS, D’UNE CERTAINE MANIÈRE, NOUS NOUS SOMMES ATTACHÉS À VOUS. C’EST POURQUOI, AFIN DE MARQUER NOTRE DÉPART DE LA MANIÈRE LA PLUS FESTIVE, NOUS ALLONS METTRE LA MUSIQUE TRÈS TRÈS FORT CE SOIR, DEMAIN, JEUDI, ET MÊME VENDREDI SI LE COEUR NOUS EN DIT.

VOUS CONNAISSEZ LA CORNEMUSE ? AU DÉBUT ÇA FAIT BIZARRE DANS LES OREILLES, MAIS VOUS VERREZ, ON S’HABITUE ASSEZ VITE.

C’EST LE COEUR GONFLÉ DE JOIE QUE NOUS PARTONS VERS UNE NOUVELLE AVENTURE. OÙ NOS VOISINS LES PLUS PROCHES SERONT SÉPARÉS DE NOUS PAR NOS MURS, NOTRE JARDIN, LA CLÔTURE EN PARPAINGS, LEUR JARDIN ET LEURS MURS. IL NOUS TARDE DE REJOINDRE CE MONDE MERVEILLEUX.

NOUS VOUS SOUHAITONS UNE BELLE VIE À TOUS.

ADIEU.

LES GRAIN DE SEL.
Ps: c’est la lecture de ce petit bouquin bourré de perles géniales que j’ai pensé à ce billet. Chers Voisins, édition J’ai Lu.

Bouquin inspiré par un blog participatif, que je vous recommande chaudement : Chers voisins

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16 Comments

  1. J’imprime… il te reste du scotch?

  2. Bon courage… Il va falloir que je m’y mette dans un futur proche…

  3. Hum ça donne envie… de partir loin surtout 🙂

  4. C’est là que je mesure la chance que j’ai, parce que en 7 ans, je ne dois pas voir le tiers d’une de tes anecdotes à raconter. C’est aussi ce qui me retient de déménager car je me dis que des voisins comme ça, je n’en trouverai pas ailleurs (j’avais d’ailleurs déjà déménagé à cause de ma voisine en fait).

  5. HéHé, sacré voisin !! <<"
    Il faudrait le mettre dans l'ascenseur ou dans le hall d'entrée x).

    [Bon courage pour le déménagement 😉 ].

  6. je pourrai presque faire un copier coller… mais le tout cumulé pour une même voisine!
    moi j’ai fini par lui envoyer les flics…

  7. Hahaha! J’aime bien passer chez toi, tu me fais rire!
    Tu as laissé la lettre dans les boites, j’espère?
    Bon emménagement dans ton nouveau chez toi!

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