Un de mes grands trucs dans la vie, c’est la réussite.
Enfant, c’était ça que je voulais faire quand je serais plus grande : «réussir ma vie ».
Mais… C’est quoi, d’abord, la « réussite » ?
Il se trouve qu’aujourd’hui, c’est l’anniversaire de l’entreprise que j’ai créée : elle a trois ans.
Il y a deux semaines, j’ai clos son 3e exercice. Si la réussite est pour moi quelque chose de vaste et de transversal, qui touche à tous les aspects de la vie, elle est plus que jamais au cœur de mes réflexions depuis que j’ai décidé de devenir entrepreneure.
L’entrepreneuriat est le théâtre de ses expressions diverses, des limites que nous lui imposons, sujets à mille peurs. La création d’entreprise est l’une de ces situations clés dans lesquelles la réussite s’observe, est attendue au tournant, espérée, analysée, redoutée aussi bien que fantasmée.
Au fond, la réussite n’est pas une fin, ni LA fin. La réussite, c’est quelque chose qu’on est en train de faire. C’est une science de l’instant, la réussite.
Et moi, dans cette année qui fut la troisième de mon entreprise, j’ai créé plusieurs instants de réussite ; puis j’en ai récolté les fruits.
Fi de l’argent !… Mais argent quand même
Cette année j’ai bouleversé mon rapport à l’argent fantôme de mon entreprise. L’argent fantôme, c’est celui que je n’ai pas encore et que je désire. L’argent c’est chouette. Mais tout penser en fonction de l’argent, c’est la mort.
Le simple fait de ne pas aborder ce billet sous l’angle de l’argent est une réussite pour moi.
L’argent ne pourra à lui seul être la réponse à : « c’est quoi une entrepreneuse qui réussit ? ».
L’argent est toute la question, tout en n’étant pas du tout la question. C’est pourquoi je ne vais pas du tout vous en parler dans ce billet. Tout en ne faisant qu’en parler. (c’est clair, pourtant)
Réussir, c’était avant tout : proclamer l’arrêt des combats
Cette année, je me suis considérablement calmée. J’ai donc lâché « L’effet warrior ». Cet état dans lequel j’étais parfois : intensément combattive. Enragée. J’étais Jeanne d’Arc, et mon projet entrepreneurial, l’Anglais : à encercler, soumettre, dominer vaillamment. Parfois même, j’avais l’impression que j’allais me mettre à grogner, le poing levé, et au galop (mais sans cheval).
De « warrior », il n’y a pas. Pas plus qu’il n’y a d’ennemi. L’entrepreneuriat n’est pas un combat. L’entrepreneuriat, c’est une vie. Une année d’entrepreneur n’est pas une guerre (et puis contre qui, de toute façon ?), c’est un marathon. Tout ça, au départ devait être une question de plaisir. Pour vivre mieux, et différemment.
Alors j’ai lâché le combat… et j’ai doublé mon chiffre d’affaires (je vous l’avais dit : que je ne vous parlerais pas d’argent ici).
Réussir, c’était « Rigoler plus pour gagner plus »
Moi je m’inquiétais tout le temps pour l’argent.
Et j’avais en permanence la sensation d’aller droit dans le mur, et à grandes enjambées.
Alors j’ai cherché sur quoi d’autre me concentrer. J’ai ainsi découvert que j’avais d’autres capacités naturelles que celle de m’angoisser comme une malade : ma passion, mon amour des gens, et mon goût très prononcé (un talent, osons le dire) pour la rigolade. Passion, amour, fun : quand même plus rigolo que les calculs excel.
Je le sais bien, que ce n’est pas comme ça qu’on fait du VRAI travail. Mais j’ai voulu essayer, pour voir. Chaque mission que j’ai accomplie depuis a été teintée de ma passion pour mon métier, pour les gens, et dans cette légèreté de ton qui m’est propre. J’ai décuplé mon énergie, j’ai été plus heureuse, et j’ai été meilleure dans mon travail.
Réussir, c’était être humaine, parce que j’avais le droit moi aussi
Une fois, dans un documentaire, j’ai vu Isabelle Adjani qui disait que dans la vie, on ne pouvait pas toujours faire bonne figure en toutes circonstances : « parfois, quand on s’écroule, on s’écroule et c’est comme ça », je me souviens de ses mots par cœur.
Moi cette année, je me suis écroulée. La vie, parfois, c’est très compliqué (ha vous le saviez ? Vous ne pouviez pas me le dire ?!).
Je m’effondrais, et pourtant j’étais une cheffe d’entreprise. C’est là que la tentation de faire semblant d’être surhumaine m’a fait de l’œil. Mais j’ai ignoré cette invitation-là, sans doute pour la première fois de ma vie. Grand bien m’en a fait.
J’avais besoin de me laisser sombrer, de trouver des pistes et de faire en sorte, un jour, de me relever plus forte et surtout : plus heureuse. Parce que mon entreprise a besoin de moi, heureuse.
J’ai accepté le temps, le vide et l’espace qu’il me fallait pour me relever. Je n’étais pas plus faible qu’une autre. Je ne suis pas plus forte non plus. Je suis une femme.
Je n’en lâchais pas pour autant le cœur de ma vision : ce qui a fait que j’ai voulu créer tout ça, au départ. On peut s’effondrer sans oublier qui on est.
C’est dans cette période difficile que j’ai signé deux des plus beaux contrats de mon année.
Réussir, c’était abandonner pour de bon les anciens repères
Cette année, j’ai dû refaire mon CV pour postuler à une formation que j’ai envie de suivre pour développer mon activité. Je ne savais pas du tout par quel bout le prendre. Alors j’ai décrit dans le détail mon activité d’aujourd’hui, ma vision, mes hobbies. À la fin, je n’avais plus de place, alors j’ai indiqué mes études et diplômes tout en bas de la page, en une demie ligne.
L’entrepreneuriat, c’est le monde où ce qui compte, c’est ce que l’on a fait, ce que l’on a vécu, et ce que l’on en fait aujourd’hui pour créer notre demain. Les diplômes, le fait d’en avoir ou pas, et qui qui a le plus gros : on s’en carre grave.
J’ai été reçue dans cette formation. Notamment parce qu’ils ont « adoré » mon CV (j’avoue : j’avais même glissé une blague dedans).
Quand je raconte que j’ai été surfer en plein milieu de ma journée, mes interlocuteurs me répondent parfois : « ha ben ça va, tu te fais pas chier, tranquillou miloute ! ». Avant, je me posais des questions.
Maintenant j’entre dans la blague. Je dirige seule une entreprise, qui a doublé son chiffre d’affaires cette année. Je suis donc très rassurée sur le fait que si, en fait : je me « fais chier » pour que ça marche.
Bien sûr, ça aurait été bizarre, avant, de quitter mon bureau pendant deux heures et demies pour aller surfer.
Dans ma vie d’entrepreneure, tous les repères sont bouleversés et totalement différents : notamment lorsqu’il s’agit de compter en heures ou en argent la qualité du travail accompli.
Lutter pour coller absolument aux codes globalement légitimes de la vie de salarié est une très mauvaise idée pour un entrepreneur, à mon avis : c’est épuiser son énergie inutilement à vouloir faire grandir son projet dans un cadre qui n’est pas le sien.
Alors je me suis détendue davantage sur tout ça, cette année. J’ai fait fluctuer mon emploi du temps au gré de l’évolution de mon travail.
Et j’ai très bien vécu ma vie : je crois que c’est ça, aussi, réussir.
Et puis il y a eu le salaire…
Je vous avais dit que je ne parlerais pas d’argent, et je m’y tiens.
L’un des moments les plus extraordinaires de mon année fut celui où j’ai commencé à me verser un salaire. Je ne sais même pas comment vous décrire cette étape… Ce n’est pas seulement que j’ai pu enfin avoir un pouvoir d’achat.
C’est aussi là que le fruit du travail que j’accomplissais à pu me profiter à moi, en tant que personne. Et plus uniquement à mon entreprise.
Le statut de Présidente m’émeut assez peu. Par contre, le jour où je suis devenue salariée de moi-même, ça a été la fête. Vin, frites, musique. Ha, on a tout fait péter !
Derrière le bulletin de salaire, se cache la dignité. La reconnaissance. Et la stabilité de mon entreprise : car j’ai décidé de me verser un salaire parce que je savais que mon entreprise en aurait les moyens sur une longue période (12 mois). C’est énorme. Notamment si l’on sait qu’un salaire, en France, coûte la peau du c… Pour que mon entreprise puisse me payer un an de salaire, il faut qu’elle en possède le double, voire plus (urssaf, retraite, mutuelle, CG trucs et compagnie : je vous raconte pas le bazar).
Alors oui, mon salaire, c’est une très grande étape dans ma vie et chaque mois, au moment de cliquer sur « effectuer le virement », ça festoie dans ma tête.
Cette année, dans la nuit du 30 septembre, j’ai fermé les yeux sur ma troisième année entrepreneuriale dans un état de satisfaction sereine et optimiste.
La satisfaction sereine, c’était pour le bonheur et la richesse de ce que j’avais accompli. L’optimisme, c’était de savoir que mon entreprise allait bien, et qu’il y aurait donc un quatrième anniversaire. Au-delà de 2017, je ne sais pas encore.
L’entrepreneuriat, c’est garder en tête, tout le temps, que tout pourrait fonctionner, et même très bien ; et que tout pourrait s’arrêter.
Et ces instants, dans lesquels je suis complètement contente, suspendent le temps et la course au mieux. Ces instants, je les déguste intensément. Parce que la vraie vie, c’est ça. Être entrepreneure, c’est ça, et c’est mille autres choses que je vivrai chaque année.
Demain je ne sais pas, hier est déjà loin : mais aujourd’hui, je suis en train de réussir et je suis très contente.
J’ai presque failli verser une larme, la fin du texte m’a émue
J’ai cessé de regarder les histoires de chiffres et je ne sais pas si c’est une bonne chose (mais il faut dire aussi que la vie a des hauts et des bas qui ne m’ont pas permis de voir si l’augmentation de mon activité pouvait être régulière dans le temps). Mais j’ai tout de même remarqué, même si c’est assez stressant à chaque fois, que quand on croit que tout va perecliter ou quand on arrive à prendre comme ça vient, ça repart toujours (pour l’instant).
Là, avec ma pause en 2017, ça me préoccupe un peu mais bon, c’est la vie et après ca, j’aurai tout le temps de voir où cette entreprise me mène !
Bonne saveur de réussite présente à toi
Citation : « Au fond, la réussite n’est pas une fin, ni LA fin. La réussite, c’est quelque chose qu’on est en train de faire. C’est une science de l’instant, la réussite. »
C’est exactement ça. Tu touches là l’un des piliers essentiels de l’existence : Hic et Nunc (ici et maintenant), hors duquel toute supputation ne peut être que jeu de la pensée.
Et tout le reste de tes réflexions est à l’avenant. Un très beau texte, Marie. Bravo !
J’adore la citation de Liz Gilbert qui illustre ce billet, et bien sûr tout ce qui suit ! Je te l’ai déjà dit et je le répète, ce que tu écris me parle, tes interrogations et ta façon d’avancer me parlent, tes remises en question et tout le reste, même si je me sens toujours frileuse (petit clin d’oeil à mon com sur ton dernier billet) lorsque je te lis. J’ai envie de m’encourager à oser davantage chaque fois que je te lis !
Et même si tu n’as pas besoin de cette lecture, je suis plongée en ce moment dans un ouvrage qui pourrait te plaire : « Les vertus de l’échec », de Charles Pépin, le prof de philo qui a écrit les deux volumes de « La planète des sages » illustrés par Jul (vraiment très drôles, à mettre sur ta liste si jamais tu ne connais pas encore).
J’entends énormément parler de ce livre, et j’ai trouvé plusieurs critiques en lisant les journaux ces dernières semaine ! C’est marrant. A force, je vais le lire pour de bon ! j’ai vu que C. Pépin faisait aussi des conférences sur le sujet, mais à mon avis c’est à Paris (loin, pour moi). Merci pour ton commentaire et pour partager ça !