Et si je gagnais ma vie à la vivre davantage ?

Longtemps j’ai attendu que la vie vienne avant de la vivre.
Je rêvais de beaucoup de choses, j’avais envie de vivre tout un tas d’expériences… qui viendraient plus tard.
Quand je serais grande, quand je serais libre, quand j’aurais de l’argent, quand j’aurais la légitimité, quand j’aurais le courage.
Pas. Maintenant.

Je vivais ma vie en me disant que la penser pour plus tard serait une motivation, aussi. Et c’était vrai, en partie.
« L’espoir fait vivre ».
Et la foi en un avenir avec ses milliers de choses possibles est aussi ce grâce à quoi j’ai trouvé la force de suivre toutes mes ambitions jusqu’à maintenant. Tous les coups de pieds au derrière que je me donne se justifient par les récompenses que je pense qu’ils amèneront.

Seulement, passé un certain stade, ces carottes se sont subtilement muées en interdictions : « tout ceci est impossible maintenant, tu vivras plus tard ».
C’est là que j’ai trouvé que ça ne fonctionnait plus si bien que ça.

« C’était comme me ralentir de vivre en attendant une vie dont je ne savais pas quand j’aurais le droit de la vivre… ou même si j’y aurais droit, finalement. »

C’était vivre une vie où maintenant était forcément médiocre, puisqu’il était ce moins qui me restait en attendant la vraie vie.

On ne pourra pas faire ça tant que les enfants ne seront pas plus grands.
On ne peut pas aller là tant qu’on ne gagne pas tant et tant.
On ne pourra pas prétendre à ça tant que truc et bidule et machin chouette.

À vivre comme ça il peut vite ne nous rester que le droit de : dormir, travailler, et manger (du pain sec).

« Au point d’en oublier que pour faire quelque chose de grand demain, il faut toujours commencer par faire quelque chose de bon aujourd’hui. »

Entreprendre pour demain ?
En devenant entrepreneuse je me suis souvent engouffrée dans cette manière de penser. Et j’ai été obligée de me réajuster, à partir d’un certain stade. Voire même de bouleverser ma façon de gérer mon quotidien. C’est vrai : mener sa propre affaire c’est vouloir faire grandir un projet, le voir réussir demain, et tous les jours d’après. Et la tâche est parfois intense, la peur d’échouer aussi.

Au point d’en oublier que pour faire quelque chose de grand demain, il faut toujours commencer par faire quelque chose de bon aujourd’hui. Tous les jours. Pas à pas.
Vivre bout par bout, du plus petit au plus grand, en arrêtant de se demander si c’est pour aujourd’hui ou pour demain.

J’appris alors que nous étions pauvres
Un jour, la maitresse de mon fils, qui souhaitait le connaître davantage, lui demande quelles sont ses lectures préférées. Le Petit Quotidien était dans son top 5 de l’époque (les 4 autres étaient des livres sur Star Wars, que des livres de foot on remplacé depuis).

Elle lui demande donc s’il est abonné au Petit Quotidien.
Il lui répond : « Jpeux pas : on est pauvres ».
Sur le moment j’ai bien ri.
D’ailleurs je suis encore morte de rire en vous l’écrivant.
Mais, comme à l’époque, je me demande si je ne suis pas aussi morte de honte sur les bords…

Un couple d’entrepreneurs qui se jette la tête la première dans l’inconnu, l’incertain, a le premier réflexe attendu dans ses cas-là : il se sert la ceinture en attendant les jours meilleurs (qui viendront, à n’en pas douter, car un couple d’entrepreneurs a souvent ce trait de caractère nécessaire à ce type de vie : l’optimisme).

Mon fils nous a donc déclarés « pauvres », sans dramatiser, comme parlant de quelque chose de très simple et naturel : il informait juste sa maitresse. Il aurait dit « mon papa est brun » exactement sur le même ton. Pour faire simple (croyions-nous) face à toutes ses demandes, nous justifions nos refus par : « parce qu’on n’a pas assez d’argent. Tu sais il faut qu’on fasse très attention, le temps que nos entreprises respectives fonctionnent ».

Cette réponse est le parfait résumé de ce que nous nous racontions à l’époque. Oui, même à nous-mêmes. Et ce n’était pas très fun.

C’est juste que nous avions ce problème : qui n’était pas d’être pauvres, mais d’attendre de vivre.

Le bonheur c’est après, la galère c’est maintenant
Outre le fait que je n’aime pas donner cette image austère et « Causette » de l’entrepreneuriat à mes enfants, il se trouve qu’en réalité : nous n’étions pas du tout pauvres.

Si la pauvreté est une question d’argent, d’aisance, je ne crois pas pouvoir dire que nous l’étions. Je ne trouve pas que ce soit une honte d’être pauvre, hein… Mais nous ne l’étions pas.
Un toit, de l’amour, les enfants dont je rêvais, la santé, les amis, et encore : de l’amour, beaucoup.
C’est être pauvre, ça ?

Nous vivons au bord de la mer, dans une région splendide, dans un beau pays. Libres, autonomes. Rien de pauvre là dedans.
J’ai mis du temps avant de décider de me verser un salaire. C’est vrai. Mais c’était une bien bonne excuse.
Pauvres, nous ne l’étions pas. Mais tristes, sans doute un peu. Pas de l’extérieur, pas tant que ça de l’intérieur non plus.
C’est juste que nous avions ce problème : qui n’était pas d’être pauvres, mais d’attendre de vivre.

Nous ne voulions pas vivre assez. Donc nous vivions moins.
Là pour le coup je vous l’écris, et ça ne me fait pas rire du tout.
Un jour il m’a paru louche de décrire toutes mes envies par « plus tard » ou « dans quelques années ».
Et aujourd’hui, il se passe quoi ?
Et maintenant ? On crève ?

Sauf que, justement, j’étais une entrepreneuse. Entreprendre c’est choisir le bonheur.
Pourquoi faire tout ça si c’est pour détester sa vie, hein ?

Nous faisons tous ces efforts pour créer de toutes pièces une vie qui soit exactement comme nous la voulons.

À trop remettre le bonheur à après vous savez ce que je me suis vue risquer ? Que la fin arrive avant lui.

Entreprendre pour être malheureux, ça n’avait pour moi aucun sens.
Alors j’ai vu que je me devais une légère remise en question. Pourquoi avoir choisi une vie de risques, mais de liberté, pour me sentir en sécurité, mais enfermée ?

Hum… pertinente question.

Idem pour les salariés, n’allez pas croire qu’il s’agisse d’un débat sur l’entrepreneuriat.

D’une manière générale : pourquoi vivre la vie que l’on mène maintenant, si c’est pour rêver désespérément et constamment à une autre vie ?

Attention : je suis la première à dire que rêver c’est la vie. Qu’avoir des désirs sans cesse renouvelés, c’est avoir de l’énergie en gros paquets, pour toujours, chaque jour, jusqu’à la fin. C’est avoir la vision, l’espoir. Ok. Mais au point de ne plus rien faire dans le moment présent, c’est bizarre, non ?

À trop remettre le bonheur à après vous savez ce que je me suis vue risquer ? Que la fin arrive avant lui.
Boum.
Une fois que j’ai vu ça, j’étais mal. Et puis non, finalement : depuis, je vais extrêmement bien.

Quand j’ai eu des preuves concrètes de la vie
Cette réflexion dont je vous fais part aujourd’hui, elle ne date pas d’aujourd’hui justement.
Elle chemine depuis quelques années déjà, d’ailleurs, je me souviens avoir écrit ce billet, qui allait dans ce sens. Tout de même, j’ai continué longtemps à remettre les belles expériences à après : « quand on pourra ».

Aujourd’hui, j’écris cette formule « après, quand on pourra », et je la vois comme une coquille vide.
Alors qu’il y a quelques temps elle guidait toutes mes décisions, et même ma vision de ma vie d’alors, aujourd’hui elle n’a plus aucun sens.

Ça s’est fait graduellement.

C’était parce que nous n’étions pas pauvres et qu’il était temps d’arrêter de le faire croire à nos enfants :-p
C’était parce que j’ai soudain eu la sensation de ne plus avoir le temps d’attendre que la vie arrive.

J’ai eu envie d’inviter ma vie dans le présent.
Pour l’attraper complètement. Pour déployer, enfin, mes ailes.
J’y pensais sans y penser, mais j’avançais.

Il y a quelques jours, j’ai répondu aux questions de Gaëlle, qui a pour habitude de donner des nouvelles des personnes qui ont déjà laissé un témoignage sur son blog.
Gaëlle a donc commencé par me demander ce qui avait changé dans ma vie depuis la dernière fois que j’avais témoigné sur son blog.
J’ai été relire ce que je lui avais raconté, pour voir. À l’époque j’avais fini en disant à Gaëlle :
« Et j’ai aussi cette obsession : je veux voyager. D’ici deux ans, quand je serai plus à l’aise financièrement, je veux voyager. Je veux aller où je veux et quasiment quand je le veux, c’est ça l’idée de base. »

« D’ici deux ans ». Ben tiens…

Ça c’était il y a un an.

Cette année je voyage dans 3 pays différents (je ne compte pas la France). Et si je me débrouille bien, je pourrai même faire monter ce chiffre à 4 ou 5.
À l’époque bien sûr, je pensais ne pas avoir le droit d’y penser avant deux ans : à cause de l’argent.
Notez : on pense toujours que c’est à cause de l’argent.
Avant d’avoir l’argent que j’ai aujourd’hui j’ai commencé par voyager en France. J’ai même commencé par juste à côté de chez moi : quelques centaines de kilomètres pour découvrir le monde. C’est facile, mince !
Peu de choses ont changé depuis un an. Mais une chose en particulier a profondément changé depuis : j’ai déclaré qu’il était possible de voyager. Je l’ai décidé. Fermement. Alors c’est devenu possible. Tellement facile. Avant je n’aurais pas pu voir à quel point ça serait facile : j’avais rangé tout ça dans la catégorie « plus tard ». Donc je faisais autre chose en attendant. Alors que le voyage était juste là…

Si ce n’était qu’une question de voyage
Ce serait déjà pas mal. Mais c’est une question de tout.
De déjeuner avec des amies au lieu de toujours remettre à « quand on sera moins débordées par le taff ».
D’appeler la baby sitter pour sortir en amoureux au lieu d’attendre d’avoir ce que j’appelais « un budget baby sitter ».

Professionnellement, c’était faire maintenant ce qui me plaisait vraiment au lieu d’attendre tout un tas de bonnes raisons soit-disant légitimes de le faire… plus tard, après, pas maintenant (à ce train-là ça aurait aussi pu être jamais… Quelle horreur !).

Une nuit, l’été dernier, je ne dormais pas. Je paniquais. La vie me manquait, comme un être cher qui est loin et qu’on doit encore attendre de retrouver. J’étais frustrée de l’attendre, ma vie.

Alors je me suis levée et j’ai noté tout ce que je voulais. Pour moi. Pour mon entreprise. Pour les gens, pour accomplir la mission qui est la mienne dans ce monde, pour être la femme que je veux être : MAINTENANT.

Quand j’ai vu que j’avais écrit à Gaëlle, il y a un an, que je voulais voyager, j’ai été chercher la feuille sur laquelle j’avais jeté mes notes lors de cette insomnie de l’été.
Je n’en croyais pas mes yeux. Bien sûr, je ne me souvenais pas de tout ce que j’y avais écrit.
Par contre, j’ai tout réalisé depuis.
Tout ce que j’y avais écrit existe aujourd’hui dans ma vie. Et une partie a même permis d’augmenter mon chiffre d’affaire.

Tout ça parce qu’il y a 8 mois, en l’écrivant, j’avais constaté qu’en réalité : il ne me manquait rien pour vivre maintenant la vie que je remettais toujours à plus tard.

Il y a eu des choses que j’ai pu vivre immédiatement.
D’autres qui ont nécessité du temps, de la mise en place. Pour certaines envies, il faut franchir quelques étapes avant d’y arriver.

Je vous en parle aujourd’hui, parce que ça me demande régulièrement des efforts de ne pas oublier de vivre maintenant. C’est comme en sport : au début vous faites une pompe et vous êtes certains que vous allez y rester. Au bout de 6 mois de travail quotidien vous en enchainez 200 en rigolant (et d’un seul bras).

Alors j’écris ce que je veux.
Je fais des listes de ce dont j’ai envie dans ma vie : du plus simple et terre-à-terre au plus grandiose et d’apparence inatteignable. Tout est atteignable si je le veux vraiment. J’aurais pu tempérer cette affirmation mais non. Tout est atteignable si vous le voulez vraiment. Si vous cessez de le vouloir ou ne le voulez pas vraiment, vous ne l’atteindrez pas. Et c’est très bien. Évitez de vous trouver nuls pour autant. Vous êtes loin d’être nuls. Alors concentrez-vous sur ce que vous voulez vraiment et lâchez ce que vous ne voulez pas vraiment. Ce qui n’est pas si grave et ne compte pas autant que vous le pensiez : vous le lâcherez en chemin, ce qui ne fera que vous rapprocher de ce que vous voulez.

Faites la liste de ce dont vous avez envie. Regardez ce que vous avez déjà, ou ce qui est tout près : et attrapez-le pour le vivre aujourd’hui. Pour ce qui n’est pas encore là : prenez les décisions qui vous y mèneront. Elles vous y mèneront.

Nous pouvons attendre la vie si nous le voulons.
N’oublions pas que la vie, elle, ne nous attendra pas.

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8 Comments

  1. Mardge

    Salut Marie,
    Tu viens de me mettre un grand coup de pied aux fesses qui fait du bien… Ben oui.
    Depuis pas mal de temps je ne fais plus rien en me disant je ferai ça quand je serai à la retraite, je me lamente parce qu’elle s’éloigne ou peut s’éloigner et je deviens grignouse (ne chercher pas dans le dictionnaire).
    J’ai donc décidé de faire ma liste, et ce que je ferai aujourd’hui ne sera plus à faire demain et pour le coup j’aurai beaucoup plus de temps pour d’autres découvertes quand l’heure de la retraite sonnera… Bisous

    • Marie Grain de Sel

      Waow ! Je suis tellement contente de t’avoir fichu un coup de pied aux fesses. Je n’ai pas fait exprès, promis ! 😉 ben oui : fais-les maintenant ces choses-là : pourquoi attendre ? (je te pose la question parce que je me la suis posée et je me suis trouvée con : je n’avais, en fait, aucune bonne raison d’attendre). Au moment de la retraite tu vas dépoter ça va être l’extase 😉

  2. J’ai fait la même chose il y a quelques mois. Un matin, j’en ai eu mare d’attendre la vie de mes rêves, alors j’ai pris une feuille et j’ai fait un mind-map vite fait en mettant au centre : Ce Que JE Veux.
    Quelques mois plus tard, j’ai atteint la quasi-totalité des points (y compris exploser mon CA) et j’ai d’autres projets en prévision, tous plus motivants les uns que les autres. Paradoxalement, le plus déstabilisant, c’est de se dire au quotidien « je touche du doigt le bonheur ». J’ai l’impression que c’est presque tabou de dire « on est heureux »…

    • Marie Grain de Sel

      Oui ! Quel tabou ! D’ailleurs quand je le dis, ce qui est quotidien, j’ai la trouille. Quel réflexe à la con 😉 Toucher du doigt le bonheur, assumer, et poursuivre, j’ai parfois l’impression que c’est même du courage : on se débarrasse de tous les mensonges qui nous en empêchaient et on choisi de dépasser les peurs qu’on a laisser nous enfermer. Du courage, j’te dis. Je suis tellement contente pour toi, que ça ait marché !

  3. Je découvre votre blog via le télégramme de ce matin. Une belle surprise, tout à fait d’accord avec ce qui est décrit et décortiqué.
    Les grands rêves que certains réalisent, nourrissent également ceux dont les rêves sont moins ambitieux, ceci suffit parfois à réaliser les siens plus modestement…
    Ce retour sur le Bretagne n’est sûrement anodin avec un prénom comme Haude avec un « H » (comme le mien).Peu connaisse cette chapelle à Kersaint qui enferme dans ces vieux murs perlés de mousse et de moisi, la statue de Ste Haude, la place et la fontaine portent ce même prénom.
    bonne semaine à bientôt sur vos prochains billets si bien écrits.

    • Marie Grain de Sel

      Ou Kersaint, Trémazan : c’est bien là, LE mètre carré de cette planète où mon prénom (et le tien) est tout à fait normal 😉 Non ce retour n’est pas anodin, car c’est de là que je viens. Mes parents louent une maison non loin chaque été, j’ai donc le plaisir de me promener près de la fontaine, et de la chapelle, pour rendre hommage à notre sainte patronne 😉

    • Marie Grain de Sel

      PS : j’adooooore rencontrer des Haude !!!! (alors merci pour ce passage)

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