Il y a environ deux mois, par une (très très ) fraiche nuit de printemps, je fis face à une rare insomnie (ça ne m’était pas arrivé depuis que j’ai des enfants, et pour cause : la nuit, JE DORS… sinon je crève…).
Je ne me souvenais plus quel était l’usage dans une telle situation. Et puis ça m’est revenu : quand tu te réveilles la nuit, tu grignotes en regardant des clips à la télé (ou des rediffusions des sitcoms d’AB Production).
Je me suis donc levée et suis allée m’installer dans le salon. Je n’avais pas faim, alors je me suis contenté d’allumer la télé. Et c’est là que je l’ai découvert : le fameux clip de Robin Thicke, «Blurred Lines».
J’en avais entendu parler : le clip, sorti en mars dernier, a été censuré parce qu’il était tout rempli de femmes en petites culottes. Oui, c’était atroce : on voyait leurs seins.
Cette nuit-là, j’ai eu droit à la version «gentille» : les filles ne sont QUE en soutien-gorges et petites culottes, voire shorts ras la chose…
Alors je me suis interrogée… La version gentille montrait des nanas se trémoussant en sous-vêtements autour d’un mec qui leur hurle à la face : «t’es la plus belle salope de la pièce» en les agrippant par la queue de cheval. À quoi pouvait donc bien ressembler la version «coquine»?
Dans un souci d’analyse juste et scientifique, je suis donc allée chercher sur Internet la version dite «naughty» (la vilaine quoi). Rien de bien extraordinaire : il y avait des seins. Point.
Le temps a passé, j’ai laissé Robin Thicke et ses minettes dans un coin de ma tête sans trop m’y intéresser.
Mais à chaque fois que j’en entendais parler, je replongeais dans mon introspection (parce qu’on en a beaucoup parlé : le mec à osé montrer des filles nues à la télévision. C’est tellement rare et extraordinaire que ça a fait un tabac…).
Ce qui me taraudait, c’était cette histoire de double version : une version avec nichons, une version avec soutien-gorges.
Je ne comprenais pas : on voyait des poitrines, plutôt jolies. Du genre bien rondes, fermes, généreuses, qui tiennent toutes seules. Le genre que si la mienne ressemblait à ça je passerais moi aussi mon temps à la montrer à la télé. Par gentillesse : comme un cadeau à l’humanité. Une démarche d’esthète, en fait.
Mais, une fois de plus, je gardais mes réflexions pour moi et allai écouter Rihanna un petit coup, histoire de rester quand même dans le vent (Rihanna, qui a la subtilité de ne jamais apparaître nue, même si elle en a toujours l’air…).
Et la semaine dernière, ma copine Zaza a ramené le sujet sur le tapis. Zaza, elle aime bien la chanson de Robin, femmes nues ou pas. Parce qu’elle aime se trémousser sur cet air-là, avec son petit garçon. J’ai été bien obligée d’avouer que j’avais moi-même entrainé ma fille dans un gigottage en règle sur ladite chanson. Et qu’on avait bien rigolé, même… Il n’en fallait pas moins pour se lancer dans un débat féministe de haut vol, avec le concours de Miléna (dont je vous conseille également le blog, très poétique).
Nous avons poussé la discussion suffisamment loin pour que grandisse mon envie de mettre un peu mon grain de sel dans tout ça.
6 visionnages des deux versions du clip plus tard, je me trouve en mesure de vous livrer les résultats de mon analyse.
Si vous le voulez bien, nous allons essayer de comprendre.
Comprendre pourquoi il a été nécessaire de tourner deux versions. Pourquoi il a fallu cacher ces seins. Comprendre en quoi c’est ça, respecter les femmes. Et les yeux sensibles.
Comprendre en quoi on aurait peut-être pu garder les seins nus et modifier deux ou trois autres petites choses, dans ce clip.
Ce que j’essaye de vous dire, c’est : était-ce si grave de voir des femmes presque nues ? Ou y avait-il autre chose ?
Mais assez parlé. Comparons les deux versions.
Dans la version olé olé, nous avons :
- Des femmes nues, hyper bien faites (même si, comme toujours, si vous voulez des formes généreuses et un peu de chair, ça n’est pas là que vous les trouverez).
- Un clip qui sent le sexe de A à Z, notamment parce que les jolies femmes nues et bien gaulées passent 3 minutes non stop à se frotter à tout ce qui croise leur passage
- Un mannequin filmée en gros plan qui articule un «Miaow» ultra sensuel entre ses lèvres oranges (je parle des lèvres de la bouche hein…)
- Un agneau (vivant) qui sert de tablier à l’un des mannequins qui n’avait visiblement pas envie de montrer sa poitrine, finalement.
- Des filles nues qui carressent un chien empaillé, alors qu’on se doute bien que le chanteur aimerait qu’elles carressent autre chose (pourquoi l’agneau est-il vivant alors que le chien est empaillé ? Ne me demandez pas…)
- Le chanteur qui lèche sensuellement une glace au chocolat, alors qu’on se doute bien qu’il aimerait lécher autre chose.
- Une fille nue qui allume un briquet géant. Un mec qui tente de piquer les fesses d’une fille nue avec une seringue géante… Bref, une importance très nette du gigantisme qui semble vouloir transmettre un message…
- … et qui trouve son explication en fin de clip, lorsque s’affiche au mur : «Robin Thicke has a big dick». Mon extrême pudeur m’engagerait à ne pas traduire. Mais je ne me priverai pas de cette merveilleuse occasion de donner un coup de pouce au référencement de mon blog. Pour ceux qui se demandent, ça veut dire : «Robin Thicke a une grosse bite» (Hahaha j’ai écrit « bite » sur mon blog) (Maman, Papa… pardon).
- Il y a aussi des filles qui ont de très beaux cheveux. Et les mâles du clip ne s’y trompent pas puisqu’ils finissent par les brosser, comme on coiffe une jolie poupée.
- Enfin, dans le désordre, il y a, dans cette version : des filles qui se pourlèchent les babines, une fille qui sert de repose-pieds au mâle, une fille qui fait du vélo en string (Aïe ! Les filles, non, ne faites pas ça…), et Robin qui se fait baffer par un pied de fille nue.
- Et puis les paroles, avec ces morceaux choisis :
«il a essayé de te domestiquer
Mais t’es un animal, chérie c’est dans ta nature
Laisse moi simplement te libérer (Hey, hey, hey)
Pas besoin de papiers (Hey, hey, hey)
Ce mec n’est pas ton maître»Je sais que tu le veux
Je sais que tu le veux
T’es une gentille fille
Et l’inénarrable :
Donc fais-moi un signe quand t’es de passage
Je t’offrirai quelque-chose d’assez gros pour t’agrandir ta flore anale
Voilà voilà… On est donc sur la « flore anale »…
Passons désormais à la version gentille, sage, bien sous tous rapports :
- L’honneur est sauf, puisque les nichons sont bien rangés dans des soutien-gorges (couleur chair, pour un effet d’optique hyper bien trouvé). Les strings ont laissé place à des culottes (subtile…) et des petits shorts.
- Bon, par contre, tout le reste y est : le gros briquet, l’agneau (?), le chien empaillé (??), la glace, le «Miaow», le vélo (ouille) et même la seringue géante.
- Ils y ont même laissé le coup du mec qui s’agrippe sauvagement l’entre-jambe dès qu’une nana s’approche à moins de 20 cm.
- Tout y est, notamment les paroles, avec ces passages très poétiques et très pas du tout censurés :
Bouge tes fesses, baisse-toi, relève-toi
Fais-le comme si c’était douloureux, comme si c’était douloureux
Ainsi que le très romantique :
Chérie arrives-tu à respirer ? J’ai appris ça en Jamaïque Ça a toujours fonctionné pour moi de Dakota à Decatur
Faudra que je me renseigne sur ce truc Jamaïcain moi…
Bref, j’ai regardé les deux clips jusqu’à l’ivresse. Et malheureusement, oui, ça m’a un peu dérangé d’aimer me trémousser comme une adolescente attardée sur ce morceau. Le plaisir n’y est plus…
Oui, je crois qu’encore une fois, on s’est trompé. Encore une fois on a hurlé à l’indécence parce qu’on voyaitt trois paires de tétons… Mais on fait comme si tout ce qu’il y a autour était parfaitement sain, parfaitement acceptable.
Au final, les femmes à poils, c’était le plus beau dans ce clip. Elles sont belles ces filles, pourquoi les cacher ? Le corps humain peut être considéré comme une oeuvre d’art. On peut l’admirer, non ? Quand je vais au Louvre et que je me retrouve nez à nez avec les statues grecques, leurs seins, leurs fesses, leurs petits zizis, je me dis que je ne suis pas la seule à voir les choses de cette manière.
Par contre, utiliser une femme comme repose-pied, lui chanter «avoue que t’as envie que ça fasse mal, salope», c’est un peu plus cru, déjà.
Que mes enfants tombent sur les seins nus des mannequins de Robin Thicke, peu m’importe au fond. Mais qu’ils croient normal qu’on promène une femme par la queue de cheval en lui disant qu’on va la domestiquer parce qu’elle n’est qu’un animal, ça commence déjà à être un peu plus délicat à expliquer.
Mais enfin pourquoi pas. Je ne m’offusque pas : je l’ai déjà dit, je suis une féministe en carton, de toute manière. Je m’interroge simplement sur le bon sens d’avoir fait deux versions d’un clip, si c’était pour qu’elles soient tout autant dégradantes l’une que l’autre pour la femme.
En attendant, pour vous aider à réfléchir à la question, je ne saurais que trop vous conseiller le billet du jour de Madame Rêve, alias la très chouette Zaza.
Vous pourrez ensuite rire un peu avec cette interprétation du clip par les acteurs du Petit Journal de Canal + (à 2:40) :
Une analyse comme j’aurais aimé en faire une.
Tout y est !
et oui, encore une fois, quelle plume !
Merci de m’avoir inspirée ! Sans notre débat, je n’aurais jamais été autant en profondeur (enfin si je peux me permettre…)
SUPER article!!!! ENFIN, le problème ce ne sont pas les seins nus! Sérieux… Comme toi, si j’avais les mêmes… Je me sentirais obligée de partager!!!
Je trouve dommage de s’offusquer de jolis seins oui ! Par contre les paroles, personne ne les a censurées ! Là où ça devient insultant, c’est de masquer les seins, comme si le corps de la femme était obscène… tout en s’autorisant à la traiter d’animal… le monde à l’envers quoi !
Mais grave… Les paroles sont pitoyables!
Ouais… un peu agressives…
Marie Grain de sel, nous ne sommes pas du même sexe.
Et pourtant, ce que vous défendez là me parle.
A la tête, au coeur et au corps.
Tout simplement.
Bravo et merci.
J’aime le ton de ton blog
Direct, sincère, efficace.
Très chouette commentaire ! Merci 😉