Entreprendre : choisir une vie qui crée du courage, plus qu’elle n’en exige

En général, quand les gens l’emploient, c’est avec admiration : « j’admire ton courage », qu’ils me disent. Et en même temps, le courage est une chose qui se laisse aisément admirer. Comparé à la mesquinerie ou à l’idiotie, par exemple : si je devais choisir d’admirer quelqu’un, ce serait de préférence pour son courage.
Alors oui… L’admiration et le courage.
Et moi je ne sais pas quoi en faire : nie de l’une, ni de l’autre. Je me sens embarrassée par ces deux attributs dont les gens me parlent, quand je raconte ma vie d’entrepreneuse. Mes petits pas, mes grandes victoires, mes gros doutes. Et en face : « j’admire ton courage ».
J’ai toujours envie de répondre : « ben non, c’est plutôt moi qui admire ton courage ».
La vie que je mène ne demande aucun courage. Au contraire : elle en crée. 

Est-il besoin de courage pour s’amuser ?

Confucius disait :
« Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie. »
Et je le trouve vachement finaud sur ce coup-là, Confucius.

Quand j’étais petite ma passion, c’était la musique. En musique, rien ne ressemblait à du travail. Tout sonnait comme du plaisir. Tout avait une odeur de bonheur. Je rêvais d’une vie qui tournerait autour de pianos, de chansons à l’infini et de batterie. Je n’ai jamais rien travaillé comme j’ai travaillé la musique. Alors j’ai longtemps voulu être musicienne : le seul métier, pensais-je, dans lequel je pourrais abattre un travail monstrueux en ayant cette impression constante de m’amuser.

À la place, j’ai choisi un VRAI métier : le conseil en communication. Le CDI, le salaire, la vie d’entreprise. C’était pas mal, mais ça a vite fini par sentir le labeur coûteux, lourd, et éreintant avec son petit arrière-goût de déshumanisation. J’ai su que je n’étais pas à ma place dès lors que j’ai souhaité très fort qu’il n’y ait plus jamais de lundis après les dimanches. Tu parles d’une vie excitante !

Alors j’ai décidé de créer mon entreprise et d’aller dans celles des autres, proposer des solutions pour que les gens communiquent bien, travaillent bien, s’épanouissent : en bref, pour que les gens se réalisent dans leurs entreprises, davantage que moi dans celles que j’avais côtoyées.

Depuis, ma vie, c’est le proverbe de Confucius : comme lorsque je fais de la musique, je n’ai plus jamais l’impression de travailler. Je fais des efforts, mais ce n’est pas la même chose.
Du coup, quand on me parle de mon « courage », j’ai envie de demander pardon. Il y a mégarde, vous avez dû mal comprendre : je m’amuse, je ne travaille pas.

Et puis ça sonne toujours comme « toi du as un courage que moi je n’aurais pas ».

Et là je m’étrangle. (Mais je le cache, car je sais rester classe en toutes circonstances)
J’ai lu un article hier* dans lequel j’ai appris que la moitié des français avaient la sensation de passer à côté de leur vie. Plusieurs millions de gens, rien qu’en France, qui doivent redoubler de courage pour affronter ce quotidien qui ressemble à l’inverse de ce qu’ils voudraient.

Et même les autres, ceux qui sont bien là où ils sont, et qui ne créent pas d’entreprise. Parfois les gens me disent « moi je voulais de la stabilité », comme pour s’excuser de ne pas avoir eu « la trempe » de créer une entreprise, comme moi je l’ai fait.
Oui… bon… Et elle se gagne à quel prix, cette stabilité ? Pour avancer il faut le courage d’y aller chaque jour : pour soi, pour sa famille, pour l’entreprise au succès de laquelle on a envie de contribuer du mieux que l’on pourra. Que l’on ait créé cette entreprise, ou pas.

Je crois qu’il faut être courageux pour construire sa vie d’adulte et porter toutes les responsabilités qu’elle induit.
Je crois qu’il faut être courageux pour se lever chaque matin, et consacrer sa journée à la création de valeur ajoutée, quelle qu’elle soit.
Franchement les mecs : pour vivre dans ce monde aujourd’hui et se réveiller tous les jours en croyant encore que nous pouvons fabriquer une vie digne de ce nom pour nous-mêmes et nos familles, il faut être vraiment très courageux. Alors courageux : nous le sommes tous. C’est la vie qui veut ça.

Il est plus facile de faire face aux difficultés choisies qu’aux difficultés subies

Contrairement à plein de gens : j’ai anticipé, pesé et accepté totalement chacune des difficultés de ma vie actuelle. En choisissant cette voie, j’ai choisi les contraintes qui iraient avec, puisque je ne voulais plus de celles de la vie de salariée (et qui ne sont pas plus agréables : je le sais, j’ai testé). Dès lors que l’on vit la vie que nous voulons vraiment, et que nous avons choisie complètement : tout a l’air plus naturel.

Un mental d’acier, une forme olympique, et avec ça, le courage vient tout seul.

C’est vrai que c’est très difficile de créer une entreprise en France, aujourd’hui : ce pays n’est pas un pays d’entrepreneuriat (du tout !). Le processus de création y est lourd, pesant, couteux et laborieux. Rien, dans la démarche de création d’entreprise à la française n’est encourageant, ni même tellement encouragé. Soit.
Une fois qu’on a passé ce cap, c’est qu’on a accepté cette difficulté-là. Ensuite, il faut gérer son entreprise. Et c’est là, sur la durée, qu’intervient le courage. Sauf que, je vous l’ai dit : je m’éclate.
Du coup le courage s’est transformé en autre chose. Il est devenu la résistance à tout.
A propos de la vie d’entrepreneur, on parle souvent des « Montagnes Russes ».
Vous aimez les montagnes russes, vous ?
Les montagnes russes sont une attraction de parc de loisirs. C’est un indice intéressant, je trouve.
Les montagnes russes sont cette distraction dans laquelle vous passez de l’excitation à la certitude de votre proche décès, puis finissez par une sensation d’ivresse complètement délirante.

Être entrepreneur, c’est monter très haut et redescendre très bas dans un laps de temps parfois très court. C’est avoir la tête à l’envers, être certain que l’on va s’évanouir, et résister : pour se donner une chance de remettre tout ça à l’endroit le plus vite possible.
Être entrepreneuse, c’est y croire dix fois plus que tout le monde autour de moi. Et douter cinquante fois plus que personne d’autre. Tout est plus intense, tout est plus outré pour l’entrepreneur, qui se demande 5 fois par an, par semaine, par jour, si tout ça était une bonne idée, finalement. S’effondre 5 fois par an, par semaine, par jour : et qui se relève à chaque fois. Parce que, comme dans un match de box, tant qu’on est debout, on est encore dans le jeu. Et tant qu’on est dans le jeu, on joue. Et tant qu’on joue, on peut encore gagner. Et le courage, si facilement porté par la passion, fait partie du jeu. Il fait partie du plaisir. Comme dans un manège de fête foraine : je suis secouée, et c’est la vie que j’ai choisie. Donc je suis contente. Et je remonte sur le manège tous les jours. C’est terriblement grisant, vous savez.

Un entrepreneur ne fait pas davantage, ni mieux, ni plus fort : il fait d’autres choses, il a choisi une autre vie. Et si ce n’était pas si compliqué et risqué de créer de l’entreprise ou de l’emploi en France aujourd’hui, nous serions beaucoup plus nombreux à inventer chaque jour un quotidien qui nous ressemble. Le courage n’aurait pas cet air admirable, mais prendrait à la place une saveur de passion et d’énergie inaltérable, et à la portée de chacun. Le courage deviendrait ce talent évident et motivant. Peut-être que si nous pouvions tous vivre la vie que nous voulons vraiment, salariés ou entrepreneurs, le courage deviendrait autre chose de très productif, qui s’appellerait : l’enthousiasme.

*Je vous recommande au passage de suivre Lyv et son projet « Je me casse », que je trouve libérateur, inspirant, ultra motivant : même pour moi, encore aujourd’hui… alors que je ME SUIS cassée.

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12 Comments

  1. Je me retrouve beaucoup dans cet article. A tous ceux et toutes celles qui m’ont dit que j’avais du courage de créer ma boite, j’avais envie de répondre qu’ils avaient beaucoup plus de courage que moi, de rester dans un job et une entreprise qui ne leur plaît pas. Il est beaucoup plus « facile » de gérer et anticiper un risque financier, lié à la création d’entreprise, qu’un burn out dû à un job que l’on ne veut plus.

    • Marie Grain de Sel

      Ha oui c’est vrai, je n’y avais pas pensé, tu as raison : c’est éprouvant pour plein de raisons de créer une entreprise, mais rien comparé à la souffrance d’être dans un travail que l’on n’aime pas !

  2. J’étais tellement perturbée que j’ai commencé par écrire « Marie » dans le nom pour laisser un commentaire ! Bref… Marie, je kiffe, comme d’habitude. Je pourrais être blasée, mais non, je suis juste heureuse de lire sous ta plume mon ressenti de chaque jour.
    Bisous

  3. sabine

    Choisir sa vie est bien plus agréable que la subir. Moi qui ai choisi la voie de la reconversion à 180 degrés (et peut être de la création d’entreprise après, soyons fou) je ne peux que partager ton avis. Comme c’est agréable de ne pas avoir à se forcer le matin pour lire des bouquins, aller en cours, en stage car on adore ce qu’on fait!

  4. Séb

    Merci merci merci merc……… 🙂

  5. Emilie

    Une vision des choses très rafraîchissante, comme toujours ! Alors si j’ai bien compris, tu n’es pas courageuse, juste accro à l’adrénaline… 🙂

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